Les cadres et objets de paysages sont des vecteurs de paysage, dans le sens où ils donnent à apparaître un paysage. La communication sociale, qui véhicule la culture et les valeurs de paysages, en est un autre vecteur, majeur. Aussi, nous nous renvoyons à la lecture des deux précédents articles pour compléter celui qui suit.
Le caractère paysager des milieux semi-naturels et les voies de communication est discuté par les paysagistes. L’analyse sociologique les retient comme des vecteurs du paysage du département. Ils sont des endroits, aujourd’hui très fréquentés, privilégiés de lecture des paysages de l’Ille-et-Vilaine. Guidant notre regard, ils nous interpellent en tant qu’observateur.
Les voies de communication
Si la plupart des habitants rencontrés parlent de la proximité des paysages qu’ils évoquent, c’est bien dans le déplacement, la mobilité, qu’ils découvrent la diversité des paysages du département. La variété des espaces, des cadres et objets de paysages que donnent à voir la circulation renforcent la mixité appréciée dans le paysage du département. Aussi, les voies, routières ou douces, sont vecteurs de paysages.
Les personnes enquêtées privilégient les voies douces (pédestre, cycliste ou équestre) aux voies rapides. Parce qu’elles mobilisent l’activité corporelle à travers la promenade ou le sport, elles sollicitent une conscience du corps dans l’espace et éveillent l’ensemble de nos sens.
« Il y a quelques chemins de randonnées, c’est surtout sur la Minette. (…) on a quand même des chemins de randonnées, où on passe dans des lieux magnifiques au bord de certains moulins. (…) C’est un endroit qui est très, très vallonné, où vous avez le granit qui ressort, vous avez un boisement. Dans le bas, vous avez une vallée avec la rivière qui coule, donc des parties, des clairières, des parties ombragées. C’est très agréable, c’est tout. Ce n’est pas de l’autoroute piétonnière, c’est assez accidenté. » Elu communautaire du Pays de Fougères
Dans une pratique collective (principalement familiale), ces cheminements sont le contexte le plus fréquemment rapporté d’échange ou de transmission d’expériences de paysages.
Les pratiquants apprécient, en Ille-et-Vilaine, les nombreux chemins et circuits aux tracés anciens. Ils évoquent principalement les sentiers des douaniers (le long du littoral) et les chemins de hallage (le long de la Vilaine ou du canal d’Ille-et-Rance).
Au fil de l’eau, ces voies sont agréables ; elles permettent la flânerie et sont accessibles.
Ils distinguent également les chemins préservés en campagne et les anciennes voies de chemin de fer réhabilitées. Si beaucoup des élus regrettent qu’un grand nombre de chemins aient disparu avec le remembrement et les aménagements fonciers, en campagne, les répondants considèrent en particulier les chemins creux.
Ces anciens chemins agricoles, creusés et arborés, permettaient une circulation relativement abritée des animaux et des machines entre les champs. Ils ont été préservés dans les espaces agricoles où le sol pauvre et le relief accidenté n’intéressent pas le développement de grandes cultures. Ces chemins sont prisés pour le cadre de nature (floristique et faunistique) qui les entoure, et pour la qualité de leurs points de vue surélevés qui découvrent de véritables fenêtres sur les paysages vallonnés environnants.
« Nos circuits à un moment donné surplombent la campagne. On a l’impression d’avoir comme une vue d’avion ; on voit le découpage parcellaire, on voit les villages. On peut voir tous les aspects de la commune, en empruntant nos circuits. » Elu communautaire du Pays de Fougères
Certains ajoutent que les chemins creux sont typiques du département, ils leur confèrent ainsi un caractère identitaire. Ce caractère est aussi révélé par le sol naturel apparent.
«Il y a un endroit c’est une grosse patouille, et je me suis bagarrée pour qu’on le maintienne parce qu’en fait on emprunte un chemin en schiste. Donc je trouvais qu’emprunter ce chemin en schiste, on marche sur du rose, c’est caractéristique de Brocéliande » Acteur sports de plein-air
Les promeneurs et randonneurs interviewés apprécient aussi que ces voies douces anciennes sont souvent jalonnés d’éléments patrimoniaux, naturels ou bâtis. Dans ce sens, le GR de Saint-Jacques de Compostelle est cité par un élu communautaire du Pays de Fougères. Si dans le train, le rapport au paysage est visuel, plusieurs personnes font part de ce moment de mobilité immobile où le paysage défile devant soi.
Au sud du département, la voie ferrée imite la rivière pour traverser la vallée de la Vilaine. Ce tronçon, donnant à découvrir « les entrailles créées par la Vilaine, est plusieurs fois évoqué comme une succession de superbes paysages. La voie de Rennes à Saint-Malo est également appréciée dans ce sens.
« La ligne de chemin de fer Rennes-Redon est très belle, parce qu’elle longe la Vilaine. Il y a surtout un endroit où on voit des falaises et il y a une église qui est juste en haut. C’est avant d’aller à Messac. On a l’impression qu’un jour, elle va tomber. C’est une carrière, mais c’est assez extraordinaire. » Acteur aménagement
Plusieurs personnes notent que les anciennes voies de communication, notamment ferroviaires, offrent encore une conduite du regard liant la ville à sa périphérie.
« Ce que je trouve très beau, c’est de révéler des paysages… » Acteur aménagement
La traversée des paysages est aussi appréciée en voiture. Du fait du temps passé à ces déplacements, ce rapport visuel est souvent magnifié. Plusieurs des personnes interviewés aiment à détailler les changements qu’ils observent dans la répétition quotidienne de cette mise en scène paysagère. Quel que soit le mode de déplacements, les chemins et les voies de circulation sont des vecteurs de paysages, parce qu’ils nous conduisent à traverser la diversité de notre environnement.
Certains parlent de la qualité des paysages que donnent à voir les routes qui traversent le département.
« Traverser le département de l’Ille-et-Vilaine par ses infrastructures routières, c’est joli, comparé à d’autres départements (…) Avec des haies bocagères qui ont été faites avec des fruitiers qui permettent de faire des confitures, c’est formidable.(…) Vous vous retrouvez sur ces routes, avec des haies bocagères de chaque côté, des haies vives, plusieurs essences d’arbres, ça va changer de couleurs à un certain moment de l’année. » Pays de Brocéliande
Ils remarquent que le réseau routier en étoile permet de traverser les grandes entités paysagères. Il façonne ainsi notre regard sur les paysages du département.
« On a la chance, Rennes est au milieu. On a une étoile routière, une étoile ferroviaire. Il n’y a pas un département aussi bien foutu que ça. » Pays de Brocéliande
Aussi, rares sont les personnes qui ne regrettent pas l’absence de traitement paysager de ces voies aux abords des agglomérations, en particulier le long de la RN 157 (route de Paris) à partir de la principale entrée dans le département.
« Lorsqu’on arrive en Ille et Vilaine, on arrive par les 4 voies vers Rennes, de l’est, de l’ouest, voie du sud et les paysages qui sont autour des 4 voies sont souvent pas très jolis, ce sont des paysages agricoles ouverts et assez monotones avec un maillage bocager qui est… qui est quand même très, soit détruit soit en très mauvais état, c'est-à-dire…plus entretenu, à l’abandon… »
La plupart des enquêtés notent également que le traitement paysager aujourd’hui réalisé le long des voies consiste principalement à planter des haies. Grandissants, elles cachent l’horizon et réduisent la voie à un couloir détaché de son environnement. Aussi, ces personnes évoquent les voies de circulation dans un rapport, non plus à l’espace, mais au temps de la mobilité.
Les voies de communication sont associées à la dynamique économique des territoires, puis à leur accessibilité dans la dynamique résidentielle périurbaine. Ici, il est intéressant de noter que la photographie de paysage intitulée « route de campagne » proposée dans le cadre du questionnaire est peu parlante en termes de paysages. Elle est peu appréciée par les répondants qui considèrent qu’elle renvoie à la périurbanisation, au lien entre l’urbain et le rural, et qu’elle représente peu le paysage de l’Ille-et-Vilaine.
Ce paysage semble typique de l’Ille-et-Vilaine. Cet horizon traversé apparaît comme un interstice, entre deux espaces et deux temps, qui ne paraissent pouvoir être parcouru qu’en voiture. Un instant pour « voir du paysage » !
Les nouvelles voies routières privilégient la facilité et la rapidité de déplacements du plus grand nombre. Les chemins et voies vertes plus récentes ont pour première qualité d’inviter à se déplacer en mode doux. Envisagées de façon monofonctionnelles, elles perdent leur intérêt à découvrir des paysages.
« Il y avait des marguerites. C’était au mois de mai-juin, c’était magnifique. La route n’était pas large, on avait l’impression… C’était la France de papa, avec moins de trafic, moins d’automobile et avec le sentiment que l’espace existait, existe ; pour faire 5 kilomètres ça prend du temps. Maintenant, c’est des voies, vous ne vous en apercevez pas de l’espace. Alors, c‘est plus efficace, mais c’est sûr que c’est le rapport avec l’espace qui change avec la vitesse. Vous allez vite, mais vous n’avez plus l’impression de parcourir un espace réellement. Vous êtes dans un couloir. » Elu communautaire du Pays de Redon
Des milieux semi-naturels
Les forêts et des sites naturels aménagés constituent des paysages de l’Ille-et-Vilaine à part entière pour la plupart des habitants interrogés. Pour parler d’un paysage de l’Ille-et-Vilaine en particulier, 6 % des répondants citent un ENS, 8 % évoquent le milieu forestier.
Leur composante affective est mise en avant par la plupart. Ces espaces mettent en scène la nature, sont facilement accessibles, et associés à des pratiques de loisirs. Les élus communautaires valorisent ces milieux comme des lieux aujourd’hui à la fois de biodiversité et de pratiques de loisirs de proximité. Ces milieux ont, selon eux, peu changé ; ils sont plusieurs fois qualifiés d’ancestraux. Ils étaient cependant autrefois difficiles d’accès ; les hommes s’y sont trouvés en résistance et ont dû s’y adapter. Aussi, ces paysages renvoient à des histoires fortes, des solidarités qui confèrent aux habitants de ces territoires un sentiment d’appartenance marqué.
« Des espaces entretenus, qui sont restés naturels, ont gardé leur authenticité » Elu communautaire du Pays de Rennes
Le maintien de ces milieux apparaît aujourd’hui lié à la volonté d’hommes qui les entretiennent, considérant leur valeur patrimoniale. Comme la nature, les milieux semi-naturels se confondent avec le paysage. Leurs composantes affectives et patrimoniales prédominent, ils sont également caractérisés par leur accessibilité et l’importance de leur fréquentation de détente.
Les techniciens rencontrés nuancent l’accessibilité perçue de ces paysages. Ils considèrent que l’approche par milieu mobilise des connaissances scientifiques et nécessite, auprès du grand public, une interprétation. L’un des botanistes interrogés, spécialiste de la flore du département, considère que les milieux participent de la diversité du paysage du département, plus qu’ils ne constituent des paysages à part entière.
Il explique qu’en Ille-et-Vilaine, les milieux de dunes (même s’il y en a peu sur le département), de rochers (présents mais dont l’urbanisation se trouve au pied), les milieux des estuaires, des marais salants, des prés-salés, des vases salés participent des « paysages maritimes ». Il liste ensuite les milieux boisés (forêt, bois, bocage), les zones humides (étang, marais, ruisseaux, rivières), les milieux agricoles, cultivés et labourés (de blé, orge, maïs, pomme de terre, chou-fleur, etc.), les prairies et les landes sèches (de Tréffendel, Saint-Thurial, du Boël -moins de 5% de la surface départementale-).
« Les grands types de milieux constituent les grands types de paysages. » Acteur environnementaliste Les environnementalistes considèrent plutôt que les milieux semi-naturels participent de la diversité des paysages. Leur attrait les incite à mieux les faire connaître.
Les forêts et les bois
Le choix de la photographie « Allée en forêt » montre que s’ils ne caractérisent pas l’Ille-et-Vilaine, les milieux boisés sont appréciés en tant que paysage. Ils revêtent une composante affective forte et sont perçus comme représentant fortement la nature. Ce paysage semble immuable ; il est le moins retenu pour parler de paysages qui ont le plus changé en Ille-et-Vilaine.
Les élus rencontrés soulignent la présence de la forêt lorsqu’elle se trouve sur le territoire qu’ils représentent ; la forêt de Paimpont pour le Pays de Brocéliande, de Liffré pour celui de Rennes, de Saint-Aubin-du-Cormier et de Fougères pour le Pays du même nom, de Ville-Cartier pour celui de Saint-Malo, du Pertre et de la Guerche pour le Pays de Vitré.
Au-delà, ils évoquent la présence de bois, publics ou privés, sans toujours les nommer. Ces vastes ensembles prédominent dans le paysage qu’ils arborent ; du fait de leur étendue et de leur inscription dans l’histoire locale. La forêt est un vecteur fort d’identité locale.
« Les liffréens y vont, mais ils survalorisent le fait qu’ils aient la forêt. Les gamins des écoles, du centre de loisirs vont à la forêt. C’est quelque chose qui marque le territoire » Elu communautaire du Pays de Rennes
La forêt est un espace naturel, de par les arbres qui la composent, la flore et la faune qu’elle abrite. Le forestier interviewé explique sa fonction écologique : habitat de la biodiversité, la forêt contribue aussi à la qualité de l’air et de l’eau. Un élu raconte qu’elle a jadis constitué un abri pour les hommes et les animaux domestiques.
« En période de disette, on laissait partir les animaux, manger en forêt. Les années où c’était bon, ils n’y allaient pas trop. Et donc, il y avait un rapport entre les propriétaires de la forêt, les gens qui étaient assez pauvres (…) On ne laissait pas non plus les gens mourir vraiment de faim, tant bien même si la vie était très dure. » Pays de Vitré
Elle est un espace de loisirs de proximité (bien que l’on s’y rende essentiellement en voiture). La forêt, du domaine public, attire un grand nombre de promeneurs, de sportifs et de cueilleurs. Si sa fréquentation est importante, les élus concernés expliquent qu’elle ne pénètre que peu au-delà de ses entrées. Aussi, la zone de pression sur le milieu naturel leur paraît limitée.
« Des ribambelles de voitures qui montrent qu’il y a du monde » Elu communautaire du Pays de Rennes
Les voies tracées constituent des chemins. Selon les sites, les équipements mis en place pour des activités ludiques (CRAPA, accro-branches) apparaissent comme une valeur ajoutée. Mais la forêt permet aussi « de sortir des sentiers battus pour être dans le milieu » ; un élu explique qu’elle oblige alors à se concentrer sur soi dans son rapport à cet environnement particulier. Elle est ainsi associée à un bien-être physique.
« La forêt, tu vas dedans, ce n’est pas organisé ; tandis que les chemins de randonnées, c’est organisé, il y a un itinéraire. Il peut y avoir des parcours en forêt, mais tu t’organises comme tu veux. (…) Dans la forêt, tu as la préoccupation de faire attention où tu marches, donc tu mets ton énergie, ta concentration sur ce genre de choses, donc tu oublies tout le reste. » Elu communautaire du Pays de Fougères
La forêt offre un espace de loisirs de plein-air de proximité, relativement facile d’accès, principalement en voiture, pour un bon bol d’air de fin de semaine. L’exploitation forestière est presque oubliée. (Saint-Aubin-du-Cormier)
L’exploitation forestière est peu considérée. Les forestiers rencontrés s’inquiètent que ce paysage de la forêt détourne et contrarie la vocation économique du milieu, de production de bois : principalement bois d’œuvre et bois pour l’industrie.
« Dans l'esprit du public c'est essentiellement du paysage, malheureusement pas seulement dans l'esprit du public mais également dans l'esprit des décideurs, dans l'esprit des cabinets d'études, dans l'esprit… enfin les PLU que je traite, je ne vois pas un mot qui parle de la forêt comme espace de production. C'est un espace de services ou d'aménités, si vous voulez, mais on ne parle jamais de production de bois. Alors si, maintenant on en parle de plus en plus mais on en parle à travers le bois énergie ; et la forêt elle, n'a pas vocation à produire du bois énergie. Sa vocation première c'est de produire du bois d'œuvre sachant que pour produire 1 m3 de bois d'œuvre on va produire 4m3 de bois qui n'est pas du bois d'œuvre, donc de toute façon le bois énergie on l'aura, c'est la cerise sur le gâteau entre guillemets. » Acteur environnementaliste
Le forestier explique que, du fait de la richesse de son sol, la forêt est limitée sur le département. En effet, le schiste briovérien qui constitue l’essentiel du support géologique du territoire est très riche ; aussi, c’est là que les agriculteurs ont développé les cultures, les premiers à une époque où, les engrais chimiques n’existant pas, la qualité du sol était primordiale.
Avec 9 % d’espaces forestiers, l’Ille-et-Vilaine est l’un des six départements les moins boisés de France. Il compte quatre grands espaces boisés : forêt de Paimpont, de Fougères, de Rennes et de Chevré, de La Guerche. Il ajoute que la vallée boisée de Corbière est valorisée dans le cadre de la propriété du Conseil Général et que la forêt du Pertre est dénaturée par une ligne EPR, une ligne haute tension qui la traverse.
En Ille-et-Vilaine, comme dans le reste de la Bretagne, la forêt est caducifoliée, c'est-à-dire composée d’arbres qui perdent leurs feuilles. Le chêne et le hêtre y sont les deux essences climaciques. Le forestier précise que le bois de ces forêts a été exploité pour la construction marine et pour le bois énergie des forges au XVIIIème siècle. Il a constitué le principal combustible du début de l’industrialisation au cours de près de deux siècles.
Aussi, le sol de ses massifs a été encore appauvri par l’importance de cette production, ce qui a conduit à y introduire des conifères au XX ème siècle. Du fait d’un climat moins tempéré (avec un écart de 0,8 degrés par rapport au secteur de Fougères), le massif des Landes de Lanvaux, englobant une partie du pays de Redon au sud du département a été enrésiné dès le XIX ème siècle par des semis de graines de pins maritimes.
Il ajoute que ces arbres font, du fait de leur présence depuis plus de 150 ans, partie du paysage de ce secteur. Ancienne chênaie royale, la forêt de Fougères, elle, devient une chênaie-hêtraie puis une hêtraie-chênaie puis une hêtraie avec le développement des saboteries au XVIII ème siècle.
Aujourd’hui, les conifères approvisionnent l’industrie du bois ; les feuillus bretons sont peu concurrentiels. Cependant, les forêts d’Ille-et-Vilaine restent essentiellement constituée de ces feuillus (contrairement à celles des trois autres départements bretons), qui représentent près de trois quart de la production forestière.
« Il n'y a plus de forêt primaire chez nous, ou au moins d'aller en Guyane ou dans les forêts tropicales dans les départements et territoires d'Outre-Mer, mais en France, en France continentale, même en Corse d'ailleurs il n'y a plus de forêts primaires, ce ne sont que des forêts artificielles. » Acteur environnementaliste
Il conclut que la forêt est un milieu artificiel ; qu’il n’existe plus de forêt primaire, même si une régénération naturelle s’opère par endroit et constitue le mode de gestion par l’ONF des forêts publiques. Contrairement à un ordre naturel, il existe peu de peuplements mélangés (avec des pins, des bouleaux, des châtaigniers, …). Il cite l’exemple de la forêt de Ville-Cartier où le mélange chênes-hêtres est organisé presque pied par pied. Cette mixité limite l’impact de maladies ou de fragilités spécifiques à une essence.
Les Espaces Naturels Sensibles et autres espaces naturels classés
De la même façon, et en fonction de leur proximité géographique, des Espaces Naturels Sensibles du Conseil Général sont cités par les personnes enquêtées comme des lieux de paysage de localités. La Pointe du Grouin, les dunes de sable de l’anse du Guesclin, les Landes de Jaunousse, le domaine de Careil, la vallée boisée de Corbinières, la vallée du Canut, les étangs du Boulet, de Marcillé-Robert et des Forges sont les ENS cités. Le classement Natura 2000 est aussi souligné.
Le classement départemental met en valeur le site et la commune ; son nom suit en général celui du site classé. Les élus concernés soulignent l’atout que constitue la qualité de ces milieux, en termes de biodiversité et d’aménités, pour les habitants et pour un tourisme de proximité. Ces lieux sont considérés comme des sites de promenade.
« C’est la promenade dans la nature ; il y a des tourbières en formation, des iris, plein de choses qui sont intéressantes, et les gens aiment bien se promener dans le secteur. Cette année, il y a un petit souci de moustiques par contre. » Elu communautaire du Pays de Fougères
Les interviewés qui évoquent ces milieux expliquent que leurs qualités floristiques et faunistiques sont liées à la présence d’espèces rares, fragiles et souvent petites. Aussi, leur reconnaissance nécessite un apprentissage, et oblige le promeneur à être averti et curieux. Il faut lire les panneaux d’interprétation, il faut qu’une personne nous montre les plantes spécifiques, nous décrive la petite faune qui y gravite. Aussi, les grands animaux, apportés pour l’entretien du milieu, sont appréciés comme une présence plus facilement perceptible ; une « attractivité du parc », « c’est quelque chose de vivant ».
« Une biodiversité spectaculaire même si elle n’est pas tout de suite accessible par le grand public. » Elu communautaire du Pays des Vallons de Vilaine
« Tout le monde était content de voir des Highland Cattle dans le territoire. Et aujourd’hui, les responsables des espaces naturels considèrent qu’il y a tellement de piétinement par ces animaux que la flore en subit les conséquences et on nous a supprimé les bovins. (…) La faune sera peut-être plus riche, mais ça sera moins visible au premier regard. » Elu communautaire du Pays de Fougères
Ayant « la chance d’avoir ce cadre », les collectivités valorisent leur accessibilité, par l’aménagement de liaisons douces à partir de l’agglomération ou par la mise en place d’animations autour du site.
« La vallée du Canut, il y a des espaces qui sont localisées uniquement, en France, sur ce site là. Alors c’est toujours très délicat de parler d’espèces à protéger et puis de valoriser, ça peut être très ambigu. Je pense que c’est aussi des éléments de patrimoine. » Elu communautaire du Pays des Vallons de Vilaine
Les acteurs environnementalistes considèrent la fragilité de ces milieux et l’importance de leur préservation.
« Souvent les gens disent : c’est un peu l’image de ce qu’on voyait dans notre enfance… aujourd’hui, il faut aller loin quoi, il faut chercher pour trouver ça. » Acteur environnementaliste
C’est pour lui l’un des milieux qui a le plus souffert, avec le drainage puis la généralisation de l’alternance de cultures (la mise en prairie temporaire). Les prairies, très luxuriantes autrefois, se sont raréfiées. Elles ont quasiment disparu du bassin de Rennes.
« C’est un des paysages que je préfère, surement parce qu’ils sont en train de disparaître » Acteur environnementaliste
Au nord et au sud du département, les marais sont aussi observés, par les spécialistes, mais aussi par les habitants, comme des milieux dont les qualités biologiques participent de paysages particuliers. Ces lieux renvoient également à l’histoire d’une confrontation de l’homme dans un environnement rude. Les marais de Redon, de Dol et de Sougeal sont ainsi cités.
« Tous les marais de Vilaine ça fait partie des paysages » Acteur environnementaliste
Leur artificialisation a mis à mal leurs qualités écologiques et engendré des dysfonctionnements visibles de l’écosystème, détournant l’eau de sa trajectoire et fragilisant sa qualité. Difficiles à apprivoiser, malgré les drains et remblais, ces zones marécageuses imposent aujourd’hui leur nécessaire gestion différenciée. Cette gestion est valorisée comme un équilibre de l’action de l’homme dans un environnement naturel, par le classement de ces zones et la mise en place d’actions pédagogiques.
« Un jour, la réalité est plus forte que la volonté humaine » Elu communautaire du Pays de Redon
Quelques-uns insistent plus généralement sur la disparition de zones humides et son incidence sur le circuit de l’eau. Ils considèrent les constructions « naturelles » qui, s’appuyant sur l’observation et l’imitation de la nature, concourent à la préservation écologique et à la qualité paysagère.
« Parce qu’il y a une ceinture de haies de protection naturellement avec que des prairies qui englobent les cours d’eau (…) ça ralentit les flux d’eau et ça évite les phénomènes d’inondation l’hiver et de sécheresse l’été. Donc, on avait tout ce bocage qui avait été construit de manière intelligente par l’homme au fil du temps qui aujourd’hui… souffre énormément. » Acteur environnementaliste
Les milieux semi-naturels constituent des paysages pour les habitants qui vivent à proximité. Face au développement de leur attrait notamment par la facilitation de leur accès, leur pérennité nécessite une reconnaissance de leur qualité et de leur fragilité par le grand public.