La figure du Mont est indissociable de la mer, de l’estran, des activités qui les animent. Ensemble ils s’inscrivent dans un champ plus vaste encore qui intègre les terres environnantes et forment « la baie du Mont-Saint-Michel ».
La baie dans son entier est impliquée par les regards portés sur le Mont-Saint-Michel et son environnement. La notoriété mondiale du Mont-Saint-Michel occasionne une quantité de représentations qui associent la baie qui l’environne, l’ensemble formant un des paysages les plus emblématiques du département.
Limites et voisinages
La digue dessine aujourd’hui nettement la limite du domaine de l’estran et de la mer, sur lesquels elle offre un point de vue. Le Mont est ici visible, de même que les l’estran herbu au premier plan, les chars à voile sur l’estran, et les anciens moulins à vent positionnés le long de la digue.
La baie peut être définie à plusieurs échelles, dont les plus vastes intègrent les reliefs cadrant le « bassin visuel » du Mont. Pour cet atlas, les différentes unités de paysage ont été détaillées, c’est ainsi que la présente unité concerne spécifiquement l’estran et la mer bordés par les terres émergées à l’est et à l’ouest, et par les digues des polders et des marais au sud. Il est impossible à l’œil de déterminer la frontière départementale qui passe quelque part à l’ouest du Couesnon : la baie est commune à la Bretagne et à la Normandie.
Le socle naturel : une réalité récente et une importante action des hommes
L’estran et la mer, animés par les mouvements de la marée, sont les principales composantes de l’unité, auxquelles s’ajoutent les fleuves côtiers dans la partie Est, ainsi que le Mont lui-même et Tombelaine, petites pointes de blocs granitiques ayant émergé d’un socle plus ancien (plutons). On peut ajouter le vent aux éléments naturels, qui souffle sans obstacles depuis le large, gonfle les voiles des bateaux et des chars à voile, et faisait tourner les ailes des moulins… Géologiquement, la formation de la baie est assez récente, et a fait l’objet de multiples variations dues aux transgressions marines. Elle est aussi le résultat d’une succession d’actions humaines, en particulier la poldérisation des anciens marais (voir l’unité [« Marais de Dol »->http://comite-atlas35.vuedici.fr/spip.php?rubrique19]) et l’édification des digues qui dessinent aujourd’hui avec netteté une limite qui n’a pas toujours été aussi précise, ainsi que la canalisation de l’embouchure du Couesnon, forcée lors des travaux de 1858, et la construction de la digue d’accès au Mont en 1879.
La coupe suit la ligne de la « digue des polders ». Alignée exactement vers le Mont qu’elle était censée rejoindre, elle bifurque finalement vers l'intérieur à environ 2 km de l'îlot. Construite en 1933, la digue a délimité une nouvelle frontière au domaine de la mer.
De très importants travaux récents visent à « restaurer le caractère insulaire » du Mont, à restituer le rapport paysager initial : barrage « chasse d’eau » du Couesnon, construction d’un viaduc d’accès.
La richesse d'un estran unique
Une « idée de nature » propre au site spirituel
La présence du Mont influe sur l’appréhension même de la nature, dont l’horizon de la mer est une des représentations les plus vives. Emblème de la civilisation, le Mont-Saint-Michel renforce, par opposition, le caractère naturel de son environnement qui exprime en outre, par l’ampleur des marées, une puissance extrême, et un certain degré de sublime. Le phénomène des sables mouvants, avec le danger réel qu’il représente, renforce cette image de puissance potentiellement dangereuse de la nature, il est aussi à mettre en relation avec le fait qu’il se produit à proximité de l’abbaye, sur le chemin même des pèlerins qui s’y rendent. La nature est aussi teintée de légendes dans ce contexte spirituel. Au sommet du Mont, l’archange terrasse un dragon, symbole des combats de l’esprit avec les forces des ténèbres. Mais c’est aussi tout l’environnement du Mont dont certaines légendes imprègnent la perception : le paysage est ici fait de la réalité des éléments, autant que des récits dont chacun a connaissance. Ainsi, une légende persistante (infirmée par la science, mais que l’on raconte volontiers) voudrait qu’il y ait eu autrefois un autre paysage, une vaste forêt dévastée par un raz de marée. D’autres légendes attachent la formation des îlots granitiques (le Mont, Tombelaine, le Mont-Dol) à des personnages aussi variés que Gargantua, l’archange ou les monstres diaboliques qu’il a combattus, et à leurs actions sur le site. Enfin, la Saint-Michel est fêtée le 29 septembre, une date toute proche de l’équinoxe d’automne, correspondant aux coefficients de marée parmi les plus hauts de l’année.
Un immense estran, toujours en mouvement
La structure paysagère est principalement constituée par l’estran lui-même, par les effets des marées, par les activités économiques qu’il accueille. Lors des grandes marées, les côtes sont découvertes puis recouvertes sur une largeur pouvant atteindre 15 km: c’est ainsi un immense paysage dont le principal caractère est d’être changeant. Les variations de l’état des composantes, combinées à celles de la météo et des heures du jour, font de ce paysage un « spectacle » incessant de lumières infiniment changeantes, d’horizons mouvants, et de limites insaisissables… Les grandes marées sont des événements du paysage qui mobilisent de nombreux observateurs, et ce caractère du site se renforce maintenant que, grâce aux travaux entrepris, les forts coefficients permettent d’observer le Mont dans son caractère insulaire. Selon les coefficients, le jusant (marée descendante) et le flot (marée montante) viennent découvrir et recouvrir des surfaces plus ou moins vastes, et certains secteurs ne sont recouverts ou découverts que lors des grandes marées.
Ainsi l’estran n’est pas uni, et présente plusieurs composantes. Les parties les plus souvent recouvertes sont faites de sables et de vases, ainsi que d’un banc d’hermelles (récif formé de tubes construits par des vers marins). Dans les parties plus souvent découvertes, la végétation peut s’installer, celle des marais salés et des herbus, secteurs traversés par les « criches », creusées par l’écoulement des eaux.
Un estran et un terroir
Les activités de l’estran sont nombreuses et contribuent à l’animation d’un paysage unique également à ce titre. Si la production de sel a disparu, les pêcheries existent encore et pour certaines sont encore exploitées. Il s’agit d’une technique vieille de 3000 ans, les « barrières » retiennent les poissons dans leurs enclos lorsque la marée redescend. Aujourd'hui, il s'agit d'une activité de complément, voire de loisir. L’élevage des huîtres et des moules produit des motifs dans le paysage (tables d’huîtres, bouchots), et l’animation de la production, symbolisée par les fameux « bateaux à roue », associés tant à la terre qu’au rivage.
L’estran prend la forme d’un banc de coquilles appuyé sur le remblai qui protège l’activité de production des coquillages. Au contact de la digue et de la « terre ferme » du Clos-Poulet, le château Richeux abrite l’art culinaire d’Olivier Roellinger.
Les herbus sont pâturés, par les fameux moutons de prés-salés, dont la présence contribue elle aussi à former l’image de ce paysage Les productions réputées (mouton et moules AOC, huîtres de Cancale…), associées à la présence du chef Olivier Roellinger, impriment aussi à ce paysage une valeur « gastronomique » bien réelle.
Un estran fréquenté
Cet estran singulier et renommé fait l’objet de pratiques offrant de singulières expériences paysagères. La traversée de l’estran à pied pour se rendre au Mont relève du pèlerinage et peut être considérée comme une aventure en raison du danger des sables mouvants. L’estran est aussi un haut lieu de pratique du char à voile.
La « Merveille » au cœur de la baie
Le Mont-Saint-Michel ne se trouve pas en Ille-et-Vilaine. Cependant sa présence retentit sur la totalité de la baie, et la silhouette du rocher, surmonté par « la Merveille », constitue un « motif de paysage », qui dialogue avec les autres composantes. Dans un ensemble marqué par les horizontales (la grève, la mer, mais aussi les rebords des reliefs environnants, plutôt horizontaux), la pyramide se singularise. Les horizontales du site et la pyramide du monument se renforcent mutuellement, pour composer un paysage indissociable : le Mont n’est pas un site sans la baie, et inversement.
Le Mont apparaît comme un motif surgissant de l’eau, à la fois une terre et une architecture. La verticalité du clocher qui « finit » la figure vers le ciel dialogue intensément avec l’horizontalité de la mer, formant un paysage d’une intensité inégalée, associant les éléments à la spiritualité des hommes