Les voies de circulation (routes, chemin de fer, chemins, canaux…) constituent un point de vue très fréquenté et génèrent de très importants processus de transformation des territoires. Dans cet article sont abordés successivement les effets des voies à grande circulation sur le territoire et sur les localités voisines, puis ceux des transformations liées aux évolutions de leur statut et de leur trafic. Dans un second temps, les autres typologies de voirie sont évoqués : les chemins de fer et les transports en commun, les canaux, les chemins piétonniers.
Les points de vue qui offrent le paysage
Les routes, lorsqu’elles ne sont pas bordées de talus les coupant de leur environnement, peuvent offrir aux usagers un point de vue sur les territoires qu’elles traversent et contribuer ainsi à la découverte des paysages. Dans certains cas, ces vues peuvent être exceptionnelles. Quand elles traversent le bocage, la vitesse permet d’apprécier la succession des scènes ainsi que les effets cinétiques produits par les haies, plans visuels coulissant les uns par rapport aux autres…
Dans le cadre du SCOT du Pays de Rennes, certains de ces points de vue sur la métropole sont identifiés et font l’objet d’un protocole de préservation.
La qualification des voies structurantes, une production de paysages spécifiques
Le jeu des déblais-remblais conjugué à la dissémination du bâti résidentiel et la volonté de limiter les nuisances telles que le bruit, conduit à un aménagement par des talus plantés des abords des voies express, mais aussi des voies de contournement de plus en plus nombreuses. La présence des arbres peut agrémenter la voie, mais l’obstacle visuel prive aussi d’une vision plus large sur les paysages. Ce talus génère un paysage propre à la voie, sans dialogue avec le territoire traversé.
Parfois, les voies express sont intégrées dans la composition urbaine d’un quartier. Les rives donnent à voir une façade sociale et urbaine des bourgs longés. Ces aménagements génèrent un dialogue entre l’infrastructure et le territoire traversé.
Les voies, moteurs du processus de transformation des territoires
Le facteur distance-temps
Le désenclavement de la Bretagne à partir des années 1960 a mobilisé d’importants travaux sur les infrastructures routières. Le Plan routier breton a permis de doter le département de voies express en 2x2 voies qui sont devenues des dorsales de croissance. Vecteur principal du transit pendulaire, ces axes ont permis de réduire considérablement le temps de déplacement entre le domicile et le travail, les services, les commerces... La distance-temps est devenue le mètre étalon des stratégies de développement économique et démographique, modifiant profondément les équilibres territoriaux. Les communes directement connectées à la voie express par un échangeur ou à proximité de cet équipement ont ainsi été exposées à une très forte pression résidentielle et économique.
La répartition des évolutions démographiques nous permet de visualiser l’impact de l’axe structurant nord-sud que constituent les voies de Rennes à Saint-Malo au nord, et Rennes-Nantes au sud. L’ouest de Rennes bénéficie d’une forte irrigation en 2x2 voies avec la route de Saint-Brieuc et celle de Lorient. L’est de Rennes présente une moindre irrigation en 2X2 voies. L'A81 et la 2x2 voies jusqu’à Retiers depuis peu, sont trop récentes pour qu’on en perçoive les effets sur un tel graphique.
Le phénomène d’attraction-répulsion
Contrairement à l’autoroute, la voie express, gratuite, entretient avec le territoire traversé une relation de proximité puisqu’elle le dessert, par intervalles rapprochés, via les échangeurs. Ces points de connexion et les linéaires de rives contigües sont devenus des espaces communicants sur lesquels se joue une relation d’attraction-répulsion.
Les voies express frangent le tissu urbanisé des communes et isolent un entre-deux qui est devenu dans nombre de cas, un territoire de projet dual : activité en limite sur voie et habitat dans la continuité du tissu existant. L’activité sert alors de filtre réduisant l’impact des nuisances sur l’habitat.
Les rives des routes situées à proximité des grandes agglomérations et les échangeurs importants sont devenues le territoire privilégié du développement économique, artisanal, industriel et commercial. Ces espaces peuvent devenir de véritables paysages caractéristiques des voies.
Avec l’augmentation du trafic routier, le linéaire des voies express constitue à la fois un espace répulsif pour l’implantation résidentielle (bruit et pollution atmosphérique) et attractif pour l’implantation d’activités souhaitant bénéficier d’une double accessibilité : l’accès aisé à un vecteur efficace de déplacement pour l’entreprise et ses clients, et les accès visuels à l’ensemble des usagers de voies, perçus comme prospects potentiels. Les abords des échangeurs sont ainsi devenus des espaces communicants. Toutefois, cette visibilité génère une pollution visuelle induite par l’accumulation d’enseignes, de panneaux publicitaires conjugués aux panneaux de signalisation. On assiste aussi à une uniformisation des entrées de ville reprenant les mêmes schémas, notamment l’implantation d’hypermarchés et de leurs stations-services au plus près des échangeurs.
La loi Barnier de 1995 interdisant, hors agglomération, les constructions dans une bande de 100 mètres de part et d’autre des voies, a tenté de limiter les désordres engendrés sur la perception des paysages. Les reculs paysagers, le maintien des haies, les plantations de bosquets, l’harmonisation du traitement des clôtures ou des écritures architecturales ont contribué nettement à améliorer les rives vues depuis les grands axes. Tous les échangeurs ne donnent pas lieu au développement d’une rive « économique ». La distance par rapport aux pôles d’emplois centraux et l’importance du nœud dans la hiérarchie des voies sont des facteurs conditionnant leur attractivité.
Lorsque la voie express longe un tissu urbanisé isolé ou aggloméré, existant ou créé après la construction de la voie, le merlon planté, le mur antibruit, deviennent des vocabulaires récurrents rappelant les travers de la voie express à moins que ce ne soit ceux de la programmation urbaine.
L’enjeu est ici, d’un côté, de se protéger et de l’autre, de donner à voir.
Source : Google Maps
Ici, le choix peut être fait d’utiliser l’interface entre les limites de la voie express et le tissu urbanisé en développant un programme sportif, ludique, paysager. Le jeu des merlons ouvre et ferme des fenêtres visuelles qui mettent en valeur un environnement, un programme, une perspective sur un élément de patrimoine, l’église, donnant à la façade sociale créée une dimension patrimoniale et qualitative.
Source : Google Maps
Des transferts de flux qui permettent la mutation des nationales et départementales en boulevards urbains
Intervenir sur le paysage des routes nationales et départementales s’est imposé pour modifier les comportements et pacifier les circulations diversifiées. L’aménagement des nationales a été retravaillé notamment pour proposer un paysage plus urbain.
L’augmentation du trafic sur les anciennes nationales n’a plus été supportable dans la traversée de nombreux pôles urbains, où de nouvelles voies ont reporté les nuisances à l’écart. Une fois la circulation apaisée, l’emprise de la voie devient un territoire de projet.
La création de l’axe Rennes - Saint-Malo en 2x2 voies a permis d’apaiser la circulation sur la RD637, devenue une voie secondaire de desserte. Aujourd’hui, les bourgs des communes riveraines ont pu investir les rives de la départementale et inscrire cet axe dans le développement urbain de leur territoire.
Les transports collectifs, éléments de rupture ou de dialogue
Les chemins de fer, un vecteur de développement
Le train et le tramway ont été des vecteurs de développement économique important, pas uniquement pour les cités balnéaires de Dinard et Saint-Malo. Avant le réseau Illenoo, ils ont accompagné le développement des communes rurales.
La voie ferrée, un générateur de formes urbaines et de paysages urbains
Outre le rôle d’interdit et de "contenant" que joue la voie au même titre qu’une rivière, la voie ferrée a induit un ancrage dans le temps de la fonction industrielle ou artisanale, qui aujourd’hui conditionne le paysage des bourgs et des villes.
La voie ferrée, en rive sud, correspond à la limite de la ville. Une zone d’activité s’est développée sur cette rive. Au nord de l’emprise ferroviaire, la laiterie a maintenu sa façade du début XXe siècle. Aujourd’hui, l’espace situé de part et d’autre de la voie ferrée est occupé par de l’activité, dont des friches importantes persistent, de l’artisanat et de l’habitat.
Aujourd’hui, des dizaines de milliers d’actifs travaillant dans les cinq grandes agglomérations et résidant dans des secteurs ruraux ou périurbains du département se déplacent quotidiennement en train. En application du principe de réduction de la facture énergétique, les agglomérations et bourgs dotés d’une gare sont devenues des pôles relais, des pôles d’équilibre du Projet départemental de développement durable. Les opérations qui s’y développent sont assujetties à un objectif de densité plus important, de l’ordre de 40 logements par hectare sur le Pays de Rennes par exemple. Ces densités conduisent à construire des immeubles de bourg et accompagnent la mutation des paysages urbains.
En dehors des cinq grandes agglomérations, peu de villes ou de bourgs présentent un plan réorganisé à l’occasion de la création de la gare au XIXe siècle. Celle-ci est le plus souvent en rive. L’architecture spécifique de la gare a laissé place à un aménagement plus sommaire d’abris sur quais qui renvoient à l’usage multimodal du transport collectif urbain associant le train, le tram, le bus.
Le métro : une dorsale de croissance et de structuration urbaine
Le réseau stratégique du métro de l’agglomération rennaise est devenu une dorsale de développement. En grande partie souterrain, il a donné lieu à la mise en œuvre d’un réseau de gares intégrées au tissu urbain, à ses immeubles. Son rôle urbain ne pouvait se satisfaire d’ouvrages discrètement enterrés. Les architectures de certaines gares, les espaces publics associés, sont venus lui donner une valeur de fait urbain.
La construction de la seconde ligne de métro prévue en 2014 va modifier le paysage urbain. Avec une portion aérienne desservant le quadrant nord-est de Cesson-Sévigné et une station au cœur de l’Eco-Cité (nouveau quartier Via Silva), les citadins pourront directement accéder à un parc agro-naturel depuis la ville.
La LGV, un facteur important de modification paysagère et économique
La ligne à grande vitesse (LGV) reliant Paris à Rennes est annoncée pour avant 2020. Cette infrastructure ne génère pas pour l’instant de paysages propres, si ce n’est ceux des travaux de terrassement et d’infrastructures routières qui n’en donnent qu’un visage incertain. Elle a été accompagnée d’une modification du parcellaire agricole, de la trame bocagère et d’une partie du réseau de voirie.
La voie ferrée, une mémoire ancrée, un potentiel de renouvellement urbain
Sous-utilisées, en particulier lorsqu’elles ont été développées pour des activités spécifiques aujourd’hui disparues, comme pour les mines de la forêt de Teillais, les infrastructures de fret ferroviaire disposent d’un réseau de fuseaux et de quais souvent implantés en cœur d’agglomération. Les abords de ce réseau sont parfois devenus des territoires de projet accompagnant la mutation des villes.
Certaines voies désaffectées deviennent des voies vertes et rejoignent la diversité des supports de découverte offerts à la population. Ces voies formaient hier un interdit et une source de nuisances. Aujourd’hui, il devient possible d’ouvrir le tissu sur ces voies, de capitaliser les entre-deux qui s’étaient constitués et de donner une façade conviviale au bourg ou à la ville, là où, il y a peu, il n’y avait que leurs arrières.
Les chemins doux
Depuis une dizaine d’années, l’usage de la voiture laisse un peu de place aux déplacements à pied ou à vélo. De nombreuses collectivités organisent leur réseau de chemins pour offrir aux habitants des trajets quotidiens ou de loisirs dans un cadre paysager. Cette intervention est l’occasion de valoriser la présence des rivières, les bords d’agglomération ouverts sur la campagne et le voisinage avec les chemins du bocage. Le réseau des cheminements doux est ainsi devenu un élément structurant des tissus urbains modernes.
Les voies d’eau, les évolutions sociétales transforment le rôle des canaux
La création des canaux répondait à des exigences stratégiques visant notamment à être en mesure de rompre les blocus maritimes des ports de Brest et de Saint-Malo en articulant les économies de Brest, Nantes, Rennes, Vannes et Saint-Malo via Redon. Mis en service au XIXe siècle, ils ont connu une activité commerciale jusque dans les années 1950 avant d’être supplantés par le transport routier et le fret ferroviaire. D’une activité commerciale, les deux canaux d’Ille et Rance et de Nantes à Brest, sont passés à une destination principalement touristique. Les bateaux et péniches de plaisance animent les bases nautiques et maintiennent l’usage des écluses, tandis que les chemins de halage sont fréquentés par de nombreux randonneurs à pied ou à vélo.
Source : GLAD, immatriculation 01_35_16172_NUC
Outre l’intérêt paysager et économique, les canaux recèlent un capital patrimonial et social, notamment celui d’Ille et Rance. La ponctuation des écluses le long des voies d’eau crée un rythme dans le paysage et le structure dans une forme de nature ordonnée. Ce cadre ouvert et aménagé des canaux vient compenser la densité urbaine vécue par le citadin et offrir quelques échappées au bord de l’eau.