L’introduction dans le débat sur la ville, puis dans l’acte de bâtir, d’une pensée environnementale, qui existait avant le Grenelle de l’environnement et que celui-ci a imposé comme un préalable, a profondément modifié les processus d’élaboration des tissus urbanisés. Le « penser global » s’est imposé de plus en plus avec son corollaire de démarches spécifiques telles que les AEU, les PLU, les SCOT et autres PLH.

Les progrès de la qualité paysagère

Pleumeleuc, nouveau quartier

L’objectif à atteindre d’un urbanisme plus durable, a-t-il pour autant produit un paysage spécifique ? Manifestement oui !

La recherche de mixité sociale, de réduction de la consommation des sols, d’efficience thermique et environnementale, a produit des tissus plus agglomérés, planifiés sur des échelles de temps plus longues. Des vocabulaires qui peuvent « faire paysage » ont été introduits tels que la coulée verte, les formes collectives de logements, les formes douces de déplacement, le souci d’une identité propre et d’amélioration de la qualité des limites et des interfaces, permettent de rompre avec la banalisation des lotissements.

Une réflexion urbaine et paysagère qui n’est pas liée à la taille des opérations

Développements linéaires, lotissements résidentiels pavillonnaires ont fortement modifié les paysages. L’altération porte sur les bourgs mais aussi sur l’espace rural au travers du mitage des constructions isolées ou implantées en densification ou extension de hameaux et villages (note).

Dans les communes soumises à un marché de l’immobilier peu dynamique, porté soit par les élus, soit par de petits promoteurs privés, les opérations d’une dizaine de lots constituent souvent la matière des projets d’urbanisme. La recherche d’un faible coût de vente du foncier loti conduit à produire un tissu qui relève plus de l’optimisation et du découpage foncier que du projet urbain. Ces situations se développent dans des communes pour lesquelles l’éventuel objectif de densité bâtie n’excède pas 10 à 12 logements à l’hectare. La forme urbaine produite diffère alors peu des lotissements plus anciens.

Muel - Lotissement communal affichant une ambition de qualité environnementale.

Pour autant, des opérations de moins de 10 lots peuvent produire un projet qui intègre dans le programme des éléments de contextualisation urbains ou paysagers. Le vocabulaire le plus usité est celui de « la reprise d’une implantation traditionnelle du bâti du bourg », la continuité piétonne paysagée ou la préservation d’une haie en limite d’opération.

Lieuron

A gauche, 9 lots en limite de bourg avec l’intégration d’une haie bocagère en limite.
A droite, 7 logements sociaux en entrée de bourg. Les implantations reprennent les codes du tissu ancien. L’installation d’une boulangerie accroît l’effet de greffe.
Source (à droite) : Google Street View

Langouët, une extension de moins de 10 lots qui donne une qualité à la limite urbaine

Au-delà de 10 lots, l’obligation de construction de logements sociaux imposée dans les PLU, tout comme l’objectif de densité accrue, conduisent à mettre en œuvre des projets où les modèles de la maison accolée, d’opération groupée, sont plus présents.

Hédé-Bazouges, lotissement écologique des Courtils

Cette extension urbaine du bourg, composée de 22 lots libres et de 10 logements locatifs, fixe des exigences écologiques en matière de constructions, de gestion des eaux pluviales, de voies de circulation en sens unique,… La réflexion paysagère est conduite  notamment autour de la création d’un paysage bocager et de talus plantés qui donne une qualité à la limite urbaine. L’intégration de l’opération dans son site contribue à préserver les vues sur le clocher.

Pleumeleuc, avenue de la Vaunoise - Cet ensemble de maisons groupées apporte de la qualité à l’espace public : les implantations sont en limite de rue, les annexes sont maîtrisées, les matériaux de clôtures choisis avec soin.

Si le vocabulaire du lot groupé est réparti sur l’ensemble du territoire, les opérations collectives sont présentes dans les communes urbaines ou péri-urbaines des cinq grandes agglomérations, et sont absentes des territoires présentant une moindre attractivité résidentielle. Là, le marché de l’appartement est atone et la prise de risque semble encore trop importante pour permettre leur développement.

La présence d’immeubles de logements collectifs modifie profondément le paysage des espaces urbanisés récents et signe l’appartenance à un territoire attractif, proche de bassins d’emplois.

Pleumeleuc,« Le Bocage »-Le marché du résidentiel collectif existe sur cette commune aisément accessible depuis Rennes.Cette opportunité offre l’occasion de disposer d’une matière architecturale et paysagère très structurante,imposant une réelle urbanité.
Montreuil-le-Gast

Dans certains cas, les opérations d’immeubles de logements collectifs vont pouvoir recoudre les tissus, prolonger les masses architecturales du centre-bourg, structurer les vues au travers notamment de la création d’un espace public commun.

La ZAC, une fabrique à récurrences

Comme procédure, la ZAC (zone d’aménagement concertée), ne produit pas de paysage. Elle est toutefois fondée sur une obligation de concertation qui, croisant les principes de développement durable, notamment une forme renouvelée de gouvernance du projet, et d’évaluation des impacts, donne lieu à la mise en place d’un espace de réflexion. Les thèmes abordés dans cet espace de dialogue ouvert à des acteurs institutionnels mais aussi des habitants, des riverains, des professionnels et des élus, sont à l’origine de la mutation paysagère des tissus produits par les ZAC.

Initié à l’occasion des ZAC des années 2000 sur le Pays de Rennes (note), le débat sur les enjeux et les objectifs de développement durable attachés à un projet a été introduit dans d'autres procédures telles les lotissements. Les SCOT se sont fait les vecteurs de cette migration au travers de leurs prescriptions.

Mixité sociale, générationnelle et urbaine, préservation de la biodiversité, réduction des gaz à effets de serre et de la consommation d’espace agricole ou naturel ont motivé des réponses architecturales, urbaines, paysagères, environnementales qui, par réemploi, sont devenues des récurrences.

Des modèles architecturaux tendant à créer un motif paysager récurrent à l’échelle départementale

Il est ainsi devenu possible de réunir nombre d’opérations qui présentent une somme importante de traits communs sous le vocable « ZAC rennaise ». Parmi ces caractères communs, on peut citer le recours au modèle paysager de la coulée verte, la gestion aérienne des eaux pluviales, l'implantation de collectifs en rive de la coulée verte, certains modèles architecturaux comme les immeubles collectifs à « maison sur les toits », les immeubles semi-collectifs, l’architecture bois en permis groupé...

Dans le même esprit, la généralisation du label BBC (note), la recherche d’une implantation sud des façades principales, amènent très souvent à dissocier la construction et le garage qui, de plus, évolue vers une forme collective ou individuelle de carport (note). L’ensemble de ces récurrences donne un air de famille aux différentes opérations, notamment les ZAC.

L’utilisation récurrente d’un lexique architectural, urbain et paysager limité, pourrait faire peser le risque d’une nouvelle « banalisation » des tissus urbains. La ZAC de Chantepie, celle de Vezin-le-Coquet, de Servon-sur-Vilaine témoignent que l’innovation architecturale est un des leviers essentiels d’une composition originale sur laquelle se fonde l’identité du lieu. Cette recherche architecturale est à promouvoir.

Modèle d’habitat intermédiaire - Les logements construits à Acigné illustrent la recherche d’un habitat individualisé moins consommateur d’espace.
Saint-Malo, secteur de la gare - D’abord développé sur les quais de la Vilaine, au cœur de Rennes, le modèle de l’immeuble à maison sur les toits, est devenu une écriture architecturale emblématique d’Ille-et-Vilaine
Maisons individuelles denses et répétitives à Chantepie (droite) et la Chapelle-des-Fougeretz (gauche) - Le pignon sur rue est souvent utilisé pour apporter de la qualité à l’architecture des maisons de ville ou de bourg.
Pont-Péan à gauche, La-Chapelle-Thouarault, à droite - Modèle d’architecture de bardage, en bois notamment développé à l’occasion de construction de logements individuels groupés, en accession.
Chantepie et Vitré - L’habitat individuel en lots denses, semi-collectifs, groupés, marque le grand retour du front bâti sans que pour autant ne soit véritablement reproduit le modèle de la rue urbaine de centre-bourg.

A droite, l’opération dense de renouvellement urbain de Vitré s’en est fortement approchée.

Coulée verte, noue, maillage piéton, autant de modèles paysagers récurrents

La réflexion sur les modalités de préservation ou de génération de la biodiversité, sur la gestion de l’eau pluviale et des zones humides a conduit à mobiliser dans la construction de nouveaux quartiers les modèles de la noue de rétention et/ou d’infiltration, et du bassin de rétention paysager. Ces ouvrages intégrés à la plupart des projets nécessitent beaucoup d’espace. Situés en point bas, les bassins de rétention s’implantent sur des zones sur lesquelles on va plus aisément retrouver un réseau hydraulique existant, des zones humides.

Le modèle de la coulée verte va capitaliser ces espaces contraints pour y concentrer une somme de réponses environnementales, urbaines et sociales. Il porte sur la préservation de la ressource en eau et de la biodiversité, la gestion aérienne des eaux pluviales, la création d’espaces récréatifs, larges, ouverts et mutualisés, compensant la diminution de l’espace pour soi.

Pacé - La coulée verte est présente dans la plupart des ZAC d’Ille-et-Vilaine. Ce motif répond à au moins deux objectifs : gérer la phase finale de rétention des eaux pluviales et offrir un large espace libre dégagé.

D’un point de vue urbain, la coulée verte va créer une articulation entre des tissus différents, voire dissonants. L’espace ouvert va aussi permettre de créer un recul entre les différentes typologies urbaines et d’implanter un bâti plus haut.

Vezin-le-Coquet

Les volumes affirmés des immeubles permettent de structurer des espaces publics généreux. La coulée verte est une des pièces d’un dispositif plus vaste d’axes verts en réseau qui vont accompagner la gestion hydraulique et sur lesquels vient se greffer le maillage de circulations douces. Le traitement paysager de ces espaces permet de composer un paysage choisi, une écriture particulière de l’espace public  indépendante des choix paysagers des projets individuels.

Vezin-le-Coquet

La noue paysagée offre l’opportunité d’implanter un immeuble collectif en façade sur voie sans que celui-ci n’écrase l’espace public. Les épisodes pluvieux créent l’occasion d’une évolution des paysages et la transformation de la noue en ruisseau donne toute sa valeur au ponceau qui souligne l’importance des cheminements doux.

Le souci de la maille et du maillage

La réflexion sur l’environnement, la sociologie de l’urbanisme, le paysage ont introduit une dimension supplémentaire au projet urbain. A l’inertie de l’architecture et du plan est venue se superposer « une stratégie des flux » qui ne peut s’appréhender que dans le cadre d’une approche globale dépassant les limites de l’opération.

Des réseaux diversifiés et des flux aux temporalités différentes, notamment ceux liés aux autres modes de déplacements, se sont ajoutés aux flux automobiles. La maille et le maillage, devenus les supports de ces flux, structurent l’opération et assurent la cohérence de celle-ci avec l’organisation globale du tissu urbain. La maille et le maillage sont devenus des rythmes de composition, des continuités de cheminements doux, des linéaires préservés et/ou recomposés de haies bocagères.

Saint-Sauveur-des-Landes

Le développement de zones d’habitat en périphérie amène souvent à repenser le réseau de déplacements doux entre l’habitat, les services, les équipements et les commerces. Le souci associé de sécurisation de ces circulations douces devient l’occasion d’aménager les entrées de bourgs.

Acigné

La préservation de l’axe visuel sur l’élément référent qu’est l’église, ou la création comme à Acigné, d’une dorsale publique structurante axée sur l’édifice, traduit la volonté de créer un paysage aggloméré global, polarisé sur le motif tutélaire et idéalisé du bourg rural.
Source : Google Street View

La relation ville-campagne

C’est souvent sur le principe d’un non dialogue que la limite ville-campagne s’est construite ces cinquante dernières années. Ce faisant, ce sont les fils ténus de relation intime du bourg initial ou de ville avec son site, son environnement, son économie, qui ont été rompus.

Saint-Marc-sur-Couesnon

La relation initiale entre le tissu aggloméré de bourg ou de hameaux avec la campagne environnante était souvent constituée d’une somme d’espaces plus ou moins privatifs, plus ou moins fermés qui assuraient une transition progressive vers l’espace agricole. La limite entre intérieur privé et extérieur, ou entre l’intérieur du bourg et l’extérieur, était « poreuse » et associée à un vocabulaire arboré et arbustif endémique.

La Mézière-sur-Couesnon - La création d’un horizon pour soi (la haie du jardin) n’intègre pas la notion de paysage de « limite urbaine vue ».

Une plus grande attention à la qualité de la limite extérieure des bourgs

En général, les développements urbains de ces dix dernières années tendent à définir le paysage, l’opération elle-même et ses limites.

Dans la programmation des espaces urbanisés, la notion de limite est devenue essentielle car elle croise différents sujets : environnementaux avec les corridors biologiques, les interfaces entre milieux ; paysagers, avec l’amélioration de la qualité des limites urbaines ; urbains avec la relation entre fonctions, entre tissus. Cette réflexion sur la nature des limites est d’autant plus importante que le tissu urbain n’est plus systématiquement perçu comme une matière extensible à l’envi. De plus en plus souvent, la limite à produire s’inscrit dans un projet de territoire fini. Se pose alors la question de la limite, de son identité, de sa valeur, de ses usages.

Saint-Domineuc

La limite s’appuie sur une haie bocagère préservée. Un sentier faisant le tour du bourg  est aménagé. Le souci de préservation des haies en limite externe, d’intégration du maillage bocager existant au plan de composition du nouveau quartier, va servir le projet paysager et permettra d’atténuer l’impact visuel des nouvelles constructions.

Acigné, la relation ville-campagne

Un champ, une prairie entretenue, une prairie fauchée, une haie bocagère, une ouverture  sur l’horizon du plateau agricole… l’espace de transition entre la ville et la campagne devient aussi un espace de jeu, d’aération, de gestion hydraulique, une coulée verte, connecté et reliant les tissus anciens aux nouveaux.

Ponctuellement, le nouveau quartier donne une certaine qualité à l’entrée de l’agglomération. Au Rheu, à Thorigné-Fouillard, c’est l’occasion de construire des volumes hauts, affirmant une densité urbaine, un statut de ville, renouant avec la masse dense du bourg rural tranchant traditionnellement avec l’espace agricole attenant.

Acigné

La transition ville-campagne est ici le fait d’un vocabulaire architectural qui progressivement passe du « hameau nouveau intégré » (à gauche) à l’immeuble collectif (à droite, au fond). Celui-ci présente une palette chromatique qui, de tons pastels à soutenus, évoque le glissement d’un univers (la campagne) à l’autre (la ville).

Saint-Jacques-de-la-Lande

Le quartier de La Courrouze permet de formaliser la limite de l’agglomération en reprenant le motif de la ville close. La ville, qui trop souvent se cache derrière un linéaire de merlons plantés, de murs anti-bruits, s’offre ici un visage et une identité architecturale.

Vitré - La gestion des risques et nuisances conduit à retenir une solution technique (le merlon planté). Comme à Mordelles, ou à Cap-Malo, une césure volontaire donne à deviner plus qu’à voir, depuis la route et pendant un instant, la présence de la ville

Source : Google Street View

Saint-Erblon - L’amélioration visuelle de la limite est aussi l’occasion de poser la question de l’agriculture périurbaine pérenne. A Saint-Erblon, la création d’une maille bocagère gère l’interface entre la fonction urbaine et la fonction agricole.