Les frontières départementales d’aujourd’hui permettent de souligner la position centrale de l’Ille-et-Vilaine dans le Massif Armoricain, le gradient intérieur est-ouest de ses caractères bretons et sa différenciation paysagère nord-sud. Mais à part le trait de côte au nord, ces frontières elles-mêmes correspondent assez peu à des limites naturelles ou culturelles perceptibles.
Les frontières historiques
Permanence de la limite est du département qui a souvent coïncidé avec celle de la Bretagne. Les autres limites ne correspondent pas à des frontières historiques.
Sources : carte des provinces romaines : citée par Traez ha Tevenn -> http://traezhhatevenn.blogspot.fr/ ; carte des provinces historiques : geobreizh -> http://www.geobreizh.com.
Bien que les limites des différents territoires de l’antiquité ne sont pas toujours connues avec précision, il semble qu’à l’époque gauloise, le territoire des Redones recouvre environ le tiers de l’actuel département, incluant Rennes (Condate à l’époque gauloise). La limite est de cette tribu avec les Diablintes paraît assez proche de la limite départementale actuelle avec la Mayenne. Les Coriosolites occupent la partie ouest du département (à l’ouest de Cancale pour la partie nord ; à l’est de la Vilaine pour la partie sud).
Alors que la frontière entre Redones et Coriosolites, au centre du département, rend compte de certaines différentiations historiques (langue, etc.), l’extension du territoire coriosolite vers l’ouest indique plutôt une continuité bretonne de part et d’autre de la Rance, de Brocéliande ou de l’Aff.
Plus au sud, à partir d’une limite passant entre Guipry et Langon, l’Ille-et-Vilaine actuelle était divisée en une partie vénète à l’ouest de la Vilaine et une partie namnète à l’est.
Or, non seulement les provinces romaines conserveront en grande partie ce découpage gaulois, mais il perdurera encore lors des conquêtes britanniques (VIe siècle), la limite entre influences celtes (Domnonée principalement ) et latines s’enracinant au niveau de l’ancienne frontière entre Redones et Coriosolites.
L’insertion de la Marche de Bretagne au VIIIe - IXe siècle, sorte de zone tampon imposée par le roi de France pour contrôler le pouvoir breton, confirmera encore ces frontières anciennes et, ce faisant, l’atténuation d’est en ouest de l’influence bretonne à l’intérieur de l’Ille-et-Vilaine actuelle. Car si la Marche s’étend vers le sud jusqu’à Nantes et Vannes, sa frontière ouest reste proche de celle des Redones.
Ultérieurement, ni les limites féodales, ni celles des évêchés ne viendront bousculer cet héritage à l’échelle régionale, pas plus que les découpages internes de la « province de Bretagne » qui prévaudront jusqu’à la fin du XVIIIe siècle.
Au lendemain de la Révolution, le découpage de la France en départements s’appuie sur des critères géométriques, stratégiques et historiques pour répartir équitablement le territoire national autour de villes-centres. L’Ille-et-Vilaine reprend ainsi l’antique frontière orientale, mais pour le reste, les critères géométriques l’emportent, s’appuyant lorsque c’est possible sur quelques cours d’eau (Aff, Vilaine, Chère, Semnon), parfois complétés par des critères stratégiques (éviter de répartir l’embouchure de la Rance entre deux départements). Le résultat n’est pas exempt de certaines anomalies comme la position de Redon en limite de trois départements (et plus tard de deux régions, lorsque la Loire-Atlantique sera rattachée aux Pays-de-la-Loire).
Lors de la création des départements, la position de la limite nord-est de l’Ille-et-Vilaine consacre la frontière historique de la Bretagne alors qu’à l’intérieur de l’Ille-et-Vilaine, les frontières historiques successives furent souvent situées plus près de Rennes.
Les continuités paysagères avec les départements voisins
L’appartenance armoricaine explique que la plupart des paysages forment un continuum de part et d’autre des frontières départementales.
Mais quelques discontinuités et quelques repères sont à signaler. Ainsi, sur la bordure ouest du massif de Saint-Pierre-de-Plesguen, le passage vers les Côtes-d’Armor coïncide avec l’ouverture du plateau vers la vallée de la Rance. La forêt de Paimpont-Brocéliande forme également une limite et, surtout, un repère fort au contact du Morbihan. Vers Redon, les larges terrasses de la Vilaine sont également un repère. Dans une moindre mesure, les forêts de Teillay, d’Araize, de la Guerche soulignent ponctuellement les limites sud-est.
Dans le détail, les frontières administratives semblent parfois s’égarer dans des paysages très homogènes à proximité des cours d’eau. C’est le cas dans la baie du Mont Saint-Michel où la frontière s’écarte à l’ouest du Couesnon, mais aussi dans les marais à proximité de Redon où la frontière zigzague en suivant l’ancien cours de la Vilaine désormais canalisé.
Au nord-est du département, la limite entre Bretagne et Normandie (surlignée en jaune) serpente au milieu des polders. Elle suit un ancien cours du Couesnon dont le tracé, naturellement irrégulier dans la Baie, a été successivement rectifié ou contrôlé par des digues. Il n’est pas sûr que le dicton « le Couesnon dans sa folie a mis le Mont en Normandie » corresponde à la réalité car son cours hésitant pendant tout le Quaternaire a plus souvent emmené ce fleuve côtier vers l’ouest de la baie…. Mais il est vrai aussi que la limite de la Bretagne fut un temps, au Xe siècle, sur le cours de la Sélune, de l’autre côté du Mont...