Unifiés par leur relief et leur histoire, les marais de Dol présentent une variété de paysages ordonnés.
Les marais noirs: un milieu singulier et peu accessible
Les marais noirs s’étendent à l’est de Châteauneuf-d’Ille-et-Vilaine, à côté de l’isthme étroit qui sépare les marais de la vallée de la Rance. (note) Dans ce secteur, l'humidité des sols est entretenue par la pente générale de la plaine qui est légèrement orientée vers le sud (l'altitude, environ 2 mètres, est plus faible à la mare de Saint-Coulban et au Biez du Milieu que plus près de la côte, dans le marais blanc). Les sols tourbeux ont été exploités, ils présentent aujourd’hui de nombreux plans d’eau et d’importantes plantations de peupliers.
Un paysage difficilement perceptible
C’est aussi une partie « secrète » du marais : en dehors de la petite route au sud de Saint-Guinoux, il n’y a pratiquement pas de chemins, et la mare de Saint-Coulban est une réserve inaccessible. Du fait de ces conditions très difficiles d’accès, les marais noirs sont des paysages confidentiels, réservés à ceux qui peuvent s’y rendre : propriétaires et exploitants, chasseurs, naturalistes. Ils apparaissent surtout sous la forme de masses de peupliers, notamment depuis la RD 136 à Châteauneuf : la vision des marais est faussée par cette grande masse opaque, qui tend à écraser l’échelle du site pourtant singulier de l’isthme.
Les marais blancs : une singulière campagne
L’essentiel de l’unité est faite de marais gagnés sur l’estran, et qui ont pu être cultivés. On les nomme « marais blancs » en raison de la couleur des sols, teintés par la tangue, sable très calcaire du fait des débris de coquillages qu'il contient, en réalité plutôt gris clair. Le paysage est organisé par les canaux qui drainent les eaux, un sol très plat, découpé en parcelles laniérées desservies par des chemins peu nombreux. Prairies et cultures se partagent les parcelles. On n’y trouve pas le bocage de chênes habituel des autres campagnes d’Ille-et-Vilaine, mais des lignes de saules ou de peupliers. Les digues marquent les limites du marais et les étapes de poldérisation. La plus ancienne, la « digue de la Duchesse-Anne », offre un parcours de promenade et un point de vue sur le paysage des marais.
Le paysage compose le premier plan d’une des vues les plus connues sur le Mont-Saint-Michel. Les parcelles de cultures laissent le sol clair apparaître en hiver. Les silhouettes particulières des saules recépés forment des lignes insolites. Un lotissement au premier plan semble avoir ignoré la structure spécifique du paysage dans lequel il s’est installé, comme sa position au pied du point de vue.
Le bâti très dispersé
Le marais blanc est très bâti, dans une disposition plutôt linéaire à proximité des chemins, et selon des formes contrastées. La Fresnais est le seul village du marais blanc qui ne soit ni contre la digue, ni sur une butte. Ses constructions s'étendent sur un territoire vaste, le long d’un important linéaire de routes où alternent la forme traditionnelle des longères perpendiculaires à la voie, et celle des pavillons modernes implantés à l’unité dans leurs parcelles, face à la route. La dispersion du bâti le long des voies n’est cependant pas un fait nouveau. Elle apparaît déjà nettement sur la carte d’Etat-Major du XIXe siècle. On retrouve ces formes différenciées au nord du Mont-Dol.
A droite, la position des fermes et des longères accompagne la voie et les accès aux parcelles de cultures, formant une structure paysagère cohérente et lisible. Les matières et les couleurs de la pierre et de l’ardoise s’inscrivent dans le contexte du paysage cultivé.
A gauche, les lots individuels et les implantations coupent toute relation entre la voie et les cultures, les façades blanches contrastent brutalement avec les toits noirs et attirent l’œil. La structure spécifique du paysage est effacée par une organisation et une architecture sans caractère, ordinaire.
La digue urbanisée : une ligne de tensions
Il s’agit de la digue ouest, tendue entre le coteau de Saint-Méloir-des-Ondes à l’ouest, et la chapelle Sainte-Anne à l’est. La construction de la digue a contribué à la formation des marais, elle a débuté très anciennement, s’appuyant en partie sur des bancs coquilliers. Aujourd’hui, elle est à la fois la limite physique entre le marais et l’estran, mais aussi le lieu d’une concentration d’usages, d’activités, et d’urbanisation. La digue porte la RD 155 et son trafic, ainsi qu’une urbanisation linéaire presqu’ininterrompue, où se succèdent les villages, les anciens moulins, le port du Vivier-sur-Mer, les parcs d’activité ostréicole. Le long de la route, le paysage apparaît comme une façade urbaine plus ou moins continue, ponctuée par les silhouettes des clochers et des anciens moulins, en relation avec l’ouverture de la baie. Le marais est beaucoup moins visible, et n’apparaît que lors de courtes séquences encore ouvertes. La forme des villages est conditionnée par la linéarité de la digue, ce sont de fins fuseaux, offrant peu d’espaces publics. Les extensions récentes se sont faites du côté du marais, mais sous des formes banales de lotissement, sans lien avec les paysages urbains linéaires qui font l’identité des villages de la digue.
Quelques zones d’activité conchylicole se sont développées du côté de l’estran, à Saint-Benoît, Vildé-la-Marine, et au Vivier-sur-Mer. Elles rassemblent des bassins et des hangars dont l’architecture de bois obéit à un modèle répété. Le port du Vivier-sur-Mer prend la forme de deux zones de remblai cadrant le débouché du Guyoult, accueillant des hangars organisés autour de cours centrales.
Les polders modernes
Au début du XXe siècle, d’importants travaux ont créé un nouveau territoire cultivé, à l’est de la chapelle Sainte-Anne. Une digue, axée sur le Mont, a été construite à partir du site de la chapelle, prolongeant l'ancienne digue et le cours du Couesnon a été canalisé plus à l'est, alors qu’il suivait différents chenaux en méandres auparavant (note).
Les terres ainsi gagnées obéissent à une organisation fonctionnelle : un réseau régulier de rigoles et de chemins draine et donne accès aux parcelles, exploitées par des fermes isolées réparties régulièrement. Ce sont les seuls éléments bâtis, il n’y a pas de village ni de hameau. Le long des rigoles et de certains chemins, des lignes régulières de peupliers scandent le territoire.
Les buttes
Les plutons sont de petites pointes de granit qui émergent au-dessus de l’horizontale de l’estran (Mont-Saint-Michel et Tombelaine) et des marais (Mont-Dol dans le marais blanc). Ces émergences granitiques sont complétées par des buttes plus discrètes, notamment à Lillemer. Le Mont-Dol constitue un motif repérable, qui renforce par contraste l’horizontalité du marais, et dont l’étrangeté a suscité bien des légendes sur son origine. Sa masse fait partie du paysage du marais, à la fois comme silhouette, mais aussi comme un point de vue exceptionnel sur la baie. Lillemer est plus modeste, une forme urbaine originale y épouse le relief, renforçant l’effet d’île, à l’articulation du marais noir et du marais blanc.