Le Clos-Poulet, avancée du socle granitique sur la mer, anciennement appelé « pays d’Aleth », associe une superbe côte maintes fois représentée par les peintres et une campagne maraîchère ponctuée de malouinières et de fermes. Le littoral, très découpé en petites baies et avancées rocheuses, se déploie en grande partie entre les villes-ports de Saint-Malo et Cancale.
Limites et voisinages
Les contours sont pratiquement ceux d’un massif granitique triangulaire, limité par la Rance à l’ouest, la Manche au nord, la baie du Mont et les marais à l’est. Les bords du massif donnant sur la Rance ont été associés à l’unité paysagère de la vallée, au sein de laquelle ils sont perçus. Les autres, notamment en limite de l’unité de paysage du marais de Dol, sont bien inscrits dans l’unité du Clos-Poulet, mais leur perception reste indissociable de celle de la Manche ou de la baie.
Socle naturel
L’unité est constituée d’un socle complexe de granites métamorphisés (gneiss), qui surplombe la mer et les marais de la baie du Mont-Saint-Michel, et est entaillé par la Rance. Ce plateau est creusé sur ses bords de petits fleuves côtiers, dépassant rarement le stade de rus.
Pour l'Ille-et-Vilaine, ce domaine géologique qui se prolonge au sud-ouest vers Dinan, est original, à la jonction entre les terrains typiques du département (schistes et massifs granitiques ou gréseux) et les restes de montagnes plus anciennes qui se trouvent plus à l'ouest, dans les Côtes-d'Armor. Dans le Clos-Poulet, la diversité des roches affleurant près de la mer associée à différentes failles ont favorisé, du côté de la Manche, un dessin de la côte aux anses bien marquées, alternant pointes et plages, alors qu’elle présente vers la baie un tracé plus droit.
Le paysage côtier est aussi très fortement marqué par le phénomène des marées, le plus intense d’Europe, qui modifie le paysage sans cesse, non seulement entre marée haute et basse, mais aussi en fonction des coefficients.
Dans l'intérieur, le substrat très altéré est souvent recouvert de limons siliceux, donnant des sols qui, associés à la douceur du climat, se sont révélés propices aux cultures légumières. Ces conditions particulières sont aussi à l'origine d'un paysage rural traditionnel qui se distingue par la faible implantation du bocage.
Une nette organisation structurée par les villes et par les campagnes maraîchères
Les agglomérations de Saint-Malo et Cancale constituent deux pôles urbains côtiers aux paysages reconnus. Entre les deux villes, se développe une remarquable campagne.
La notoriété des sites de Saint-Malo et Cancale fait que les paysages du Clos-Poulet sont très réputés, très fréquentés, très touristiques, très représentés. Les points de vue sont très nombreux : à partir des routes, des chemins de randonnée, de la mer elle-même, parcourue par de nombreuses liaisons régulières et par les sorties en mer.
Les cultures, principalement légumières, sont ponctuées par une présence bâtie assez régulière, qu’il s’agisse des fermes ou des malouinières. Les arbres sont présents, mais ne constituent pas véritablement une maille bocagère. Un ancien moulin marque l’horizon
Une campagne côtière
Les campagnes légumières forment une remarquable continuité paysagère depuis la Rance au sud jusqu’à la Manche au nord. Au contact des côtes, ces campagnes forment des paysages exceptionnels, et s’articulent également au rebord du côté de la baie.
Une campagne arborée mais sans bocage notable à laquelle les parcelles maraîchères apportent une variété plaisante. Les villages situés en majorité sur les crêtes ont développé des extensions banalisantes. Au centre de l’image, la RD137 très fréquentée, permet à la fois un point de vue sur la campagne du Clos-Poulet mais crée également une coupure notable dans le paysage.
Le Clos-Poulet ne se présente pas comme un paysage de bocage. Ce sont les cultures légumières qui donnent une « couleur » singulière à la campagne (par exemple, les champs de poireaux bleus, renforçant la proximité de la mer), une ambiance qui lui est propre, y compris le rythme des travaux des champs.
Les arbres bien présents ne forment pourtant pas de réseau de haies bien distinctes, et les boisements sont peu nombreux.
La campagne est ponctuée de nombreux bâtiments, fermes, hameaux, longères isolées. Saint-Malo a aussi, par l’histoire et la prospérité de ses élites, essaimé dans le Clos-Poulet de nombreux domaines remarquables, grandes malouinières ou même châteaux (Ville Bagué, Fosse Hingant…), datant des années 1650-1750, souvent accompagnés de grands et superbes jardins.
Les malouinières en « motifs » récurrents
De manière comparable aux châteaux, les malouinières sont généralement implantées à distance des localités. Parsemant les campagnes légumières, les domaines sont surtout perceptibles par les jardins clos de murs qui les entourent, ainsi que par les avenues qui y donnent accès. Leurs façades sont rarement visibles directement.
Le jardin clos est désormais cultivé, seul le mur le distingue des parcelles alentour. La mur « installe » dans le paysage les volumes des arbres du jardin et du château, et le distingue des autres motifs comme les serres.
Une côte exceptionnelle
Entre Rothéneuf et Cancale, cette campagne s’étend jusqu’au rivage de la Manche. Festonnée de plages et de pointes, la côte offre une succession renouvelée de points de vue unissant la mer aux terres cultivées, en contraste avec les paysages de côtes urbanisées de Saint-Malo et de Cancale. Au sud de Cancale, le rebord du Clos-Poulet domine la baie du Mont et offre des vues exceptionnelles, elles aussi en continuité avec les terres cultivées.
Entre Rotheneuf et Cancale, une séquence paysagère d’une exceptionnelle diversité et qualité
Les ports : Saint-Malo et Cancale
A Saint-Malo et à Cancale, le paysage des côtes associe à la mer et à l’estran les motifs urbains des ports : la ville close, Saint-Servan, La Houle…
Saint-Malo, ville-paysage sur l’estuaire
A l’angle de la côte et de la Rance, la ville close de Saint-Malo est une véritable ville-paysage. Elle apparaît comme motif central au sein du paysage marin, notamment depuis la côte dinardaise de l’autre côté de l’estuaire. Le motif de la ville close manifeste le contraste entre la concentration urbaine intra-muros, et la nature extra-muros, le caractère naturel de la mer étant ici renforcé par l’intensité et la dimension « sublime » des marées et parfois des tempêtes.
Le rempart lui-même donne au visiteur la possibilité de faire l’expérience de cette dualité : il peut, au cours d’une promenade, observer les deux termes de ce « face-à-face » extrême. L’architecture militaire des remparts et des forts (Fort-National, petit Bé, la Conchée…) construit l’identité paysagère du site, structure la limite de la ville mais aussi la position de l’observateur, touriste en promenade succédant au soldat faisant le guet.
Saint-Malo est un port, en réalité plusieurs ports qui se succèdent, offrant une succession de paysages spécifiques, entrecoupés par les séquences non urbaines de la cité d’Aleth ou de la côte du Rosais. Saint-Malo est aussi une station balnéaire offrant de belles et grandes plages, accompagnées, le long du Sillon, par les villas, hôtels et thermes qui composent un paysage plus proche de celui de la côte d’Emeraude.
Les brise-lames (dont la nature et les silhouettes ne sont pas sans rapport avec les ragosses du bocage) sont là pour protéger les remparts de la force des marées. A marée basse se pratiquent des chemins que la mer recouvre à marée haute.
Cancale, ville-paysage sur la baie
La façade urbaine du port de Cancale est indissociable de l’espace de la baie du Mont-Saint-Michel à laquelle elle s’adresse entièrement. L’activité du port elle-même est en lien avec l’estran et ses productions d’huîtres et de moules. L’urbanisation de La Houle, la falaise, les silhouettes du bourg en partie haute, forment un paysage reconnu, bien visible depuis les points de vue du rebord de la côte qui associent les éléments de nature aux motifs bâtis dans une combinaison structurée.
le port de La Houle au pied de la falaise, le bourg sur le plateau. Entre les deux, une langue de paysage naturel contribue à la lisibilité du site et à la présence des éléments de nature dans la structure urbaine.
Au nord de Cancale, le site de Port-Mer présente un faciès très différent, marqué par l’architecture des années 1970. La blancheur des façades tranche davantage qu’à La Houle sur le fond visuel de la végétation, et les toitures qui dessinent la ligne d’horizon dialoguent peu avec la ligne formée à côté par la végétation. Ce point de vue est toutefois moins fréquenté que celui de la photo précédente, puisqu’il n’est possible qu’en mer.
Petites villes dans la campagne
Ces villes ne sont pas directement en contact avec le rivage et présentent des structures assez comparables : un village ancien assez aggloméré, puis d’importantes extensions en nappes et en lignes le long des routes.
Le développement récent des pôles urbains et des localités des rebords, influent eux aussi sur les campagnes, sous la forme de lotissements, de zones d’activités et commerciales, qui pourraient tendre à se rejoindre au détriment des continuités paysagères.
Le site étonnant de Châteauneuf-d’Ille-et-Vilaine
A la pointe sud du Clos-Poulet, Châteauneuf occupe un site singulier, une sorte d’isthme entre la Rance et le marais de Dol. Du fait de la position stratégique, le lieu rassemble deux châteaux (dont un en ruines), et un fort de type Vauban. La force paysagère du site est cependant affaiblie :
- par le passage de la RD137 au pied de Châteauneuf, du côté des marais noirs ;
- par la très faible visibilité des châteaux et du fort, ainsi que des jardins développés vers la Rance ;
- par les difficultés à percevoir le site lui-même, et sa position entre marais et Rance ;
- par la végétation, qui occulte les marais, le fort, le site des châteaux.