Pour assurer le contrôle et la prospérité du territoire, il s’agit de voir et d’être vu. La stratégie militaire impose donc le recul et la hauteur, avec une topographie avantageuse ou un génie du lieu. Les châteaux sur motte défient alors la géographie, initialisent le développement des bourgs et transforment le paysage.
La protection des biens et des frontières
L’Ille-et-Vilaine est un territoire de marches entre le Duché de Bretagne, l’Anjou, la Normandie. A la protection des voies et des échanges commerciaux qu’ils portent, des revenus qu’ils génèrent, celle des biens des châtelains, s’ajoutera la protection des frontières à l’Est et au Sud sur plusieurs lignes de front. L’Ille-et-Vilaine conserve ainsi 280 vestiges de mottes féodales. Simples buttes artificielles en terre, en bois et en pierre, elles créent ou capitalisent des points culminants dans le paysage permettant de se protéger des invasions, normandes notamment.
En comparant la répartition des 280 mottes castrales de l’Ille-et-Vilaine à celle des 353 communes d’aujourd’hui, nous observons une relative homogénéité. Nous remarquons que les régions non concernées par les mottes, coïncident avec les grands massifs forestiers ou les points les plus bas (avec la baie du Mont-Saint-Michel au Nord et le marais de Dol).
Nombreuses sur le territoire des Marches de Bretagne, les forêts constituaient au Moyen Age des entre-deux défensifs plus difficiles à franchir qu’une rivière. Les forêts de Liffré, La Guerche, Rennes, Fougères, sont les vestiges de ces grandes étendues boisées défrichées à partir du XVe siècle. A ces buttes se sont agrégés des foyers de vie, agricoles et artisanaux, qui deviendront pour certaines des agglomérations durables. Certaines buttes persistent dans le paysage (la butte de Gourmalon à Goven, avec sa douve profonde, les buttes de Cintré, de Chasné où se dresse une triple motte, ou celle de Saint-Aubin-du-Cormier). Certaines n’ont pas donné lieu au développement connexe d’agglomération et demeurent isolées au milieu des champs (Bourgbarré ou Landéan).
Certaines mottes, initialement implantées sur des points stratégiques, ont été remplacées par des châteaux de pierre comme à Marcillé-Robert ou intégrées comme à Saint-Aubin-du-Cormier.
Le site castral s’implante sur un rocher émergeant d’un marécage à l’intérieur d’une vallée dégagée par le méandre du Nançon, affluent du Couesnon. Le paysage est celui d’une ville basse, dense, bordant l’espace en creux de l’enceinte fortifiée. L’ensemble est inséré dans une vallée aux coteaux boisés. La ligne de crête de la ville haute, dissociée de la ville basse par le coteau abrupt et boisé raconte l’évolution du site. Les urbanisations sur les plateaux autour du château, racontent celle d’une urbanisation moins structurée.
La protection des frontières s’accompagne de la constitution d’un réseau de châteaux fortifiés, tirant parti des sites et notamment de ses éperons rocheux et dénivelés (créant parfois des douves naturelles). Les fortifications de grandes ampleurs, comme celles de Fougères, Vitré et Redon, sont à l’origine de bourgs castraux spécifiques, mais participent aussi au développement urbain et à la structure du paysage. Les autres châteaux, à des échelles plus variées, structurent tout autant le paysage. C’est le cas des autres châteaux défensifs des Marches, tels Combourg, Saint-Aubin-du-Cormier, Châteaugiron ou Châteaubourg. Hédé, Grand-Fougeray ou Bécherel connaîtront un développement relativement modeste. De ce passé tumultueux, il reste d’autres châteaux comme Landal et Montmuran.
Implanté sur un promontoire et dégagé de sa zone basse et humide, le château de Vitré pèse sur le paysage de l’agglomération et ordonne son aménagement, créant ainsi un recul visuel notoire.
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, Référence : 6 FI VITRE/80.
Parfois, il reste si peu de ruines du château que nous pouvons passer sans rien voir. Il reste le site et une implantation qui s’apprécient en considérant l’échelle du territoire. Au droit du massif granitique, s’élevait le donjon du château de Boutavent.