La mobilisation au travail et la concentration en son lieu ont motivé une aspiration au confort et à la retraite, de façon permanente, dans l’espace résidentiel.
Aussi, les Brétilliens soulignent l’importance des paysages dans cet espace. Ils tendent à s’éloigner des pôles urbains pour profiter d’une « qualité du cadre de vie » qui tient principalement au paysage de la campagne.
La valorisation de l’espace résidentiel
En même temps que le développement des emplois tertiaires, se crée un nouveau rapport à l’espace résidentiel. La tertiarisation des emplois répand le besoin de rupture lié au stress d’un travail intellectuel. Sa concentration dans l’espace urbain accentue la densification et conduit à une forte pression foncière, qui se traduit notamment par l’augmentation des prix du logement. La généralisation de la motorisation et l’élévation du niveau de vie des ménages les incitent à rechercher en dehors des grandes agglomérations la maison individuelle avec jardin à laquelle tous aspirent la propriété.
Aussi, à partir des années 1975, on observe l’éloignement du logement du lieu de travail ; et l’augmentation des dépenses qui y sont associés (qui dépassent à partir de la fin du XXème siècle les dépenses alimentaires). L’attrait résidentiel devient aussi fonction des aménités, et les régions touristiques, en particuliers littorales, attirent désormais des résidents permanents, qui n’hésitent plus à ces dépenses.
En Ille-et-Vilaine, l’attrait touristique du littoral malouin démultiplie l’attrait résidentiel de l’ensemble du département (même si l’incidence est moindre dans le secteur de Redon, attiré lui par le littoral morbihanais). L’image de la campagne devient, elle aussi, positive. Elle est désormais considérée comme un espace de ressourcement dans des vies (professionnelle et privée) compliquées.
« J’ai une occupation professionnelle, (…) qui me charge beaucoup l’esprit, et le fait de me retrouver chez moi, j’ai mon havre de paix qui me permet d’abord de me libérer intellectuellement et puis comme je suis un peu manuel j’aime bien travailler tout ce qui est environnemental, jardin et compagnie… donc je suis très bien à me ressourcer dans ma campagne. » Acteur économique
La demeure offre un espace de retrait. La maison individuelle permet la détente à proximité d’un espace de nature et la maîtrise des rapports de voisinage.
« L’aspect campagne, c’est la vie de la campagne, du monde rural qui bouge, vous voyez les saisons, quand vous êtes entouré de champs, vous voyez la végétation qui change, les arbres qui changent, les petits oiseaux » Elu communautaire du Pays de Brocéliande
Aussi, la campagne renvoie moins à la vie de village où la communauté se retrouve autour de la mairie ou de l’église. Les « natifs » de petites communes rurales s’étonnent à la fois de l’arrivée de jeunes actifs qui viennent habiter leur « village » et du manque d’implication de ces derniers dans la vie de leur commune.
« Nous, c’est assez particulier, il y a l’église et la mairie, après c’est terminé. Il n’y a pas de commerces, il n’y a absolument rien. Et les jeunes familles se plaisent ici. Il y a bien une raison. Ils sont au calme, ils ont de l’espace, ils n’ont pas un petit terrain qui fait 300 m2. Ils veulent aller se promener, ils ont les chemins de randonnées. » Elu communautaire du Pays de Brocéliande
La périurbanisation est vécue comme une véritable complémentarité entre les deux espaces du territoire de vie que constituent la ville et la campagne ; la ville offrant les services et les emplois, la campagne le cadre de nature, l’espace et la tranquillité. La plupart des personnes rencontrées parlent de ce lien à la ville (la ville de Rennes en général), considérant « La ville à la campagne », ou qu’« on est presque à la campagne à la ville ».
« Les gens peuvent sortir s’ils veulent (…) entre Rennes et la mer ») Elu communautaire du Pays de Brocéliande
La proximité décrite des paysages, de nature, renvoient un face à face quotidien avec la terre aujourd’hui considéré par les Brétilliens rencontrés comme indispensable au bien-être et qualifié de qualité du cadre de vie.
La société de la mobilité distancie l’espace résidentiel de l’espace de travail dans un besoin de rupture entre les deux. Celui-ci valorise la vie en campagne et le rapprochement de paysages de nature.
Le Credoc publie en 2004 que 80 % des français rêvent d’habiter et être propriétaire d’une maison individuelle ; 58 % la souhaite avec jardin. 72 % des français déclarent faire du jardinage, 83 % disposent d’un jardin ou de rebords de fenêtre fleurissables ou jardinent sur leur balcon-terrasse. Par ailleurs, 11 % des français ont une résidence secondaire.
En Ille-et-Vilaine, selon l’INSEE, la taille des logements continue de croître entre 1999 et 2009 ; alors que la taille des ménages diminue. Le rythme des constructions de logements individuels augmente aussi. L’offre individualisée de terrains constructibles est, la plupart du temps, proposée avec un minimum de contraintes de construction. Aussi, on conçoit, sur son terrain, sa maison, pour soi, sans considération d’un cadre environnemental ou d’un paysage préexistant.
Le rapport individualisé à l’espace résidentiel va jusqu’à la privatisation de son environnement, par le jardin qui, entourant la maison, permet de créer autour de sa maison le cadre paysager que l’on souhaite. Les programmes de logements collectifs les plus récents intègrent également un espace extérieur privatif ou semi-privatif. 82 % des répondants à l’enquête « Regards d’habitants sur les paysages de l’Ille-et-Vilaine » habitent une maison ; 81 % ont un jardin. 18 % des enquêtés disent profiter le plus de la nature dans leur lieu de résidence (11 %) ou en campagne (sachant que les habitants de couronne de grands pôles urbains considèrent habiter en campagne).
Le jardin de la maison individuelle est moins souvent un potager qu’un jardin-paysage « rassemblant autour de soi le grand jardin qu’est la nature », comme le raconte le résident de l’une d’entre elles. Les habitants interviewés décrivent leur satisfaction et leur contemplation des diverses espèces qui s’y trouvent. Ils admirent là aussi leur propre construction.
« L’art du jardin, le plaisir qu’on peut prendre à regarder une planche de petits pois. C’est complètement idiot mais… ça on ne l’a plus ! Parce que les gens n’ont plus le temps, parce que c’est aussi la société qui a transformé les gens. » Acteur des collectivités
Ils observent que le temps à y consacrer et la pénibilité physique de ce véritable travail réduit aujourd’hui la demande de grand terrain. Elle coïncide avec la volonté de réduire la consommation de foncier (qui s’est accélérée avec la généralisation des constructions pavillonnaires). La grande maison prolonge d’autres moments de temps libre chez soi, de bricolage, d’autoproductions domestiques ou de faire ensemble familial, notamment du fait des Nouvelles Technologies de Communication et l’Information.
« Les gens sont trop bien chez eux ! » Elu communautaire du Pays de Vitré
Aspirant au confort et à la retraite dans un cadre environnemental choisi (« un beau paysage »), la plupart souhaitent finalement « une maison de vacances pour y vivre à l’année », selon la formule de J. Viard.
L’importance des paysages dans le cadre de vie
Avant la fonctionnalité, l’ambiance est l’élément d’appréciation le plus cité par les Brétilliens interrogés (note) pour parler de leur commune de résidence (cités respectivement par 29 % et 42 % des réponses) ; à partir du caractère calme, tranquille, convivial, de la taille, humaine, de leur commune. Si après la fonctionnalité, l’activité (« économique, culturelle, associative, les services, commerces, dynamisme ») figure au troisième rang des réponses, la ruralité (« campagne, rural, village ») est presque autant citée.
La géographie (localisation, relief, milieu) représente 13 % des réponses ; la végétation (« verdure, nature, espaces verts ») également. Les éléments de spatialité (« espace, paysage, environnement ») représentent 10 % des répondants.
L’ambiance, la ruralité, la géographie ou la spatialité sont également les déterminants que les enquêtés retiennent pour qualifier les paysages du département.
Aussi, « la campagne » demeure dans le sentiment d’espace, de quiétude, de rapport à la nature. L’appréciation de la dimension du bourg se retrouve dans les plus grandes agglomérations dans l’appréciation de l’échelle du quartier.
Il est intéressant de noter ici que la part des répondants disant habiter « en campagne » est surreprésentée parmi les habitants de communes couronne de grand pôle urbain. De même, pour ceux habitant une commune de grand pôle urbain qui disent plus souvent que la moyenne habiter « le centre ». Ils disent moins qu’ils habitent la périphérie de leur agglomération (alors que c’est probable du fait de la répartition spatiale de l’ensemble de la population brétillienne aujourd’hui). Chacun se rapproche ainsi d’un espace identifié en tant que lieu, c'est-à-dire auquel tous rapportent une histoire, un récit : un paysage.
Si le lieu de construction du lien social est moins lié à l’espace résidentiel du fait de la multiplication des mobilités, le besoin d’y attacher un endroit valorise le paysage de la campagne.
Néanmoins, le terme « paysage » n’est pas utilisé pour parler du motif d’appréciation de sa commune de résidence. L’échantillon des répondants à notre enquête reste réduit (quel qu’en soit la qualité).
Pourtant, 98 % des répondants déclarent que le paysage est important ou relativement important (pour 32 % d’entre eux) dans leur cadre de vie. Toutes les communautés de communes ont mobilisé un élu pour être interviewé sur les paysages de l’Ille-et-Vilaine.
Les paysages apprécient aussi des paysages proches de chez eux, comme nous l’avons vu en considérant leur choix de paysages en fonction de leur Pays de résidence (note). Interrogeant les enquêtés sur l’occasion où ils apprécient le plus le paysage, seuls 22 % retiennent la permanence de leur appréciation du paysage ; utilisant les termes comme « quotidien, tous les jours, chaque instant, chaque moment, toujours ». La plupart (52 %) évoquent une pratique ; balade, promenade, randonnée (pédestre, cycliste, équestre), sortie. 20 % parlent plus particulièrement de déplacements.
29 % des répondants évoquent un instant ; un temps de repos, de détente, temps libre, week-end, vacances, une saison, un moment de la journée (début ou fin). 10 % citent un lieu particulier. Les manières d’habiter le territoire influencent cette appréciation. Les répondants de pôles moyens, relativement moins mobiles, parlent plus que les autres de permanence du paysage, et ceux des communes multipolarisées, les plus mobiles, considèrent un instant particulier pour apprécier le paysage.
« Qualité du cadre de vie » et « environnement » (au sens américain du terme â€" rapproché de l’environnement naturel-) ou « nature » semblent plus évocateurs du paysage (note) que le terme « paysage ».