Un site défensif

Contrairement à d’autres sites défensifs, celui de Fougères est dominé par les crêtes qui encadrent la vallée du Nançon. Le château a été construit sur un site défensif naturel, constitué d’un promontoire rocheux situé lui-même dans la vallée encaissée, émergeant d'un marécage cerné par une boucle du Nançon faisant office de douves naturelles. Simple fortification en bois au Xe siècle, la forteresse, une des plus grande d’Europe, est détruite puis reconstruite en plus imposante au XIIe siècle. Elle s’intègre alors comme un des maillons essentiel des Marches de Bretagne. La ville médiévale se développe aux pieds de ses remparts et en bordure du Nançon.

Une représentation et une ambiance « pittoresques » du château de Fougères et de sa relation avec le Nançon - Source : Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, Cotes 6 FI FOUGERES/242 et 480

A partir du XIIe siècle, la population s’éloigne du fond de la vallée. La ville se réorganise alors autour de deux quartiers. La ville basse se structure en contrebas du château puis, plus en hauteur, autour de l’église Saint-Sulpice et de la Place du Marchix. L’activité artisanale, notamment la tannerie, le tissage ou la draperie, se développe dans ce quartier. La ville haute ceinturée de remparts se structure autour d’un axe qui épouse la ligne de crête et relie le château à l’église Saint-Léonard. Avec le développement de la puissance commerçante de la ville, un beffroi est édifié au XIVe siècle, constituant ainsi un symbole de la bourgeoisie montante.

An cadastral de la ville médiévale et porte Notre Dame

Au niveau des quatre portes de la ville close (portes Rillé, Roger, Saint-Léonard et Notre Dame) se sont développés des faubourgs le long des axes principaux, notamment la rue des Fontaines, la rue de Vitré, la rue de Rillé ou encore la rue de la Forêt. Au XVIIIe siècle, la construction d’une route royale reliant Rennes à Paris contourne la ville close pour faciliter la traversée de la ville jusqu’alors possible  seulement par la rue de la Pinterie.
Source : Archives municipales de Fougères

Panorama sur la ville, vue depuis le coteau de la Martinais à Lecousse

Émergeant des frondaisons marquant la ligne de rupture de pente, la ville haute de Fougères donne à voir la densité de son bâti, le beffroi, l’église…les lignes de toits et de pignons des constructions nouvelles en premier plan altèrent ce beau panorama.

Vue depuis les douves du château et le beffroi de la ville haute

La ville basse et ses maisons à pans de bois contrastent avec la « puissance » de la ville haute, perchée sur le rebord du plateau dominant la vallée. Les boisements à flanc de coteau enrichissent le tableau paysager.

A partir du XVIe siècle, date du rattachement du duché de Bretagne au royaume de France, la cité perd son rôle défensif au profit d’un développement de l’activité artisanale, notamment le travail de l’étain dans la rue de la Pinterie, et de l’élevage très présent dans la région.

Le développement économique à la fin du XIXe siècle transforme le paysage de la ville

L’activité artisanale commence avec les moulins à papiers, localisés sur les rives des rivières, notamment le moulin aux Pauvres sur les rives du Nançon et le moulin du Groslay. Ensuite, le tissage apparaît dans le quartier Saint-Sulpice, le faubourg de Rillé et les rues de Verdun et Lariboisière de la ville haute. Avec l’arrivée de maîtres verriers italiens à partir du XVIe siècle, la verrerie se développe à Laignelet puis aux portes de la ville. Les incendies successifs du XVIIIe siècle entraînent la création de voies plus larges dans la ville haute, notamment les rues de Châteaubriand et Nationale, modifiant ainsi la composition sociale de la ville close, devenant un quartier plus aisé. L’arrivée du train en 1867 permet le développement de l’industrie de la chaussure qui remplace petit à petit l’artisanat et profite de la production locale de cuirs. Cette mutation économique va profondément modifier la structure urbaine et sociale de la ville. Au début du XXe siècle, la ville compte 35 manufactures de chaussures qui emploient plus de 12 000 ouvriers. Cette forte croissance économique et l’explosion démographique (doublement de la population entre 1872 et 1911) se traduit par la création de nouveaux quartiers au sud et à l’est, se juxtaposant à ceux existant.

Jardin des Fêtes - La voie ferrée, venant de la gare à l’est, débouchait sur la vallée du Nançon en empruntant un tunnel. La ligne de chemin de fer permettait de relier Fougères à Vitré en 1h50. Une ligne de tramway reliait quant à elle, Fougères à Rennes

Source : Archives municipales de Fougères

Avec 8 000 habitants en 1888, le quartier Bonabry propose un paysage urbain singulier qui mélange différents types d’habitat et de fonctions, notamment dans la rue commerçante de la Feuterie. Structurées autour d’usines, des entités urbaines « indépendantes » composées de logements individuels et patronaux forment le paysage urbain du quartier.

Cristallerie Fougeraise construite par l’architecte Hyacinthe Perrin, dès 1922 et Cité ouvrière Jean Allain

L’installation d’une nouvelle verrerie à Fougères, la Cristallerie Fougeraise, ainsi qu'une cité ouvrière pour loger le personnel, ont modifié un secteur jusqu’alors occupé par des espaces agro-naturels.
Sources : GLAD, Cotes 98_35_05239_ZA et 01_35_23857_NUCA

Quartier ouvrier de Bonabry : rue de Bonabry et rue de la Feuterie - Source : Archives départementales d’Ille-et-Vilaine Cote 6 FI FOUGERES/465 (à droite)

Malgré le déclin de l’activité de la chaussure à partir de 1950, le paysage urbain reste marqué par ce passé. Les bâtiments d’usine subsistants constituent des éléments patrimoniaux importants relevant d’une architecture industrielle simple ou plus « élaborée ». De même, les maisons ouvrières modestes et les cités ouvrières, notamment celles de la Madeleine, de la Mare Bouillon ou Jean Allain, marquent le paysage de l’empreinte industrielle.

Usines Feuvrier, Barbier et Le Bris & Nicoul (de gauche à droite)

Pour la plupart les usines sont réalisées avec des matériaux locaux : le schiste, de grandes baies encadrées de briques ou de pierres de taille en granit. Quelques-unes se distinguent de ce modèle local par une architecture plus monumentale et parfois décorée de mosaïques, notamment par Odorico.
Source : GLAD, Cotes 98_35_05228_ZA, 01_35_01493_XA et 98_35_05234_ZA

La restructuration du tissu urbain produit ses perspectives paysagères

Les mutations économiques et sociales de la ville entraînent des modifications du paysage urbain. La destruction des portes, dont seule subsiste la porte Notre-Dame au sud-ouest du château, la suppression des remparts à l’est et le tracé des rues Gaston Cordier/Jules Ferry, du boulevard Jean Jaurès et de l’avenue François Mitterrand, recomposent la ville qui s’ouvre à l’est sur le Bassin de Fougères. Complétées ensuite par les rues Feuterie et Pasteur, le système de rues propose un modèle quadri-dent (note) reliant la vieille ville à la gare, lieu de convergence des perspectives. Cette transformation urbaine, engendrée par le développement industriel et l’arrivée du chemin de fer, va produire une succession de plans paysagers proposant des fenêtres sur les paysages, des perspectives qui se clôturent par la ville haute…

Rue Cordier depuis la place Lariboisière et boulevard Jean Jaurès depuis la place de la République

Le tracé de ces voies contribue étroitement à la modification de la structure urbaine et à la construction de nouvelles perspectives. Parfois, la sensation d’écrasement domine lorsqu’on regarde les quartiers de grands ensembles et la gare (à gauche).

Rues de la ville haute proposant des parcours singuliers et des perspectives cadrées sur les toits de la ville

La restructuration du tissu urbain n’étant pas totale, certaines rues conservent leurs perspectives paysagères. A gauche, la rue de la Pinterie descend vers la vallée du Nançon et propose une promenade urbaine variée grâce à la sinuosité de son tracé. A droite, le quartier de Bonabry propose des fenêtres sur la ville qui enrichissent le tableau paysager.

Vue depuis le boulevard de Groslay

Au premier plan, la vallée du ruisseau a été aménagée, elle traverse le tissu urbain pour rejoindre le Couesnon. L’écrin végétal met en scène les quartiers de Bonabry, à gauche, et la ville haute, au centre, dont les silhouettes de l’église Saint-Léonard et Notre-Dame-de-Bonabry constituent des éléments de repère rythmant le paysage. A droite, le tissu urbain constitué autour du faubourg de la rue de la Forêt complète ce panorama.