Dynamiques observées

Tous les espaces composant le marais ont beaucoup évolué depuis 1950, les dynamiques concernent à la fois la progression de l’urbanisation, la disparition des pommiers, la progression des peupliers et des boisements. Le secteur des polders modernes, constitué plus récemment, apparaît plus stable, bien que la part de l’élevage soit réputé faiblir devant la progression des cultures. La pression urbaine propre à la côte, le besoin de production de logements, l’évolution des activités, restent vifs, et interviennent sur un paysage d’une personnalité exceptionnelle. Le territoire est en outre impliqué dans la valeur patrimoniale de la baie du Mont-Saint-Michel, et s’inscrit dans les pratiques touristiques liées à la côte et à la Baie, accentuant les exigences de qualité paysagère.

La Fresnais, photos aériennes de 1950 (bâti souligné en orange) et 2012

Géo-Bretagne, de 1950 à nos jours->http://geobretagne.fr/sviewer/dual.html
L’urbanisation du marais blanc vient s’ajouter à celle qui s’est déjà développée le long de certaines voies, comblant les fenêtres sur le paysage des cultures. Elle investit aujourd’hui de nouvelles voies. Alors qu’en 1950, le bâti montre une remarquable cohérence dans les implantations des maisons, orientées vers le sud et groupées en bandes, les logements récents s’implantent isolément, au milieu de leur parcelle, dans une disposition standard éloignée de ce qui faisait un caractère local.
Les structures agricoles ont elles-mêmes beaucoup évolué. Le remembrement a recomposé les parcelles. Surtout, les arbres fruitiers ont disparu, modifiant complètement le paysage en ouvrant de vastes dégagements qui rendent plus visible encore l’étalement urbain le long des routes.

Hirel, photos aériennes de 1950 (bâti souligné en orange) et 2012

Géo-Bretagne, de 1950 à nos jours->http://geobretagne.fr/sviewer/dual.html
Comme les autres villages de la digue, Hirel  a vu  son urbanisation progresser le long de la côte, comblant peu à peu les fenêtres unissant le marais à l’estran. L’étalement urbain est également notable vers le marais, sous la forme de lotissements aux implantations standardisées et péri-urbaines. Les formes peu compactes laissent encore d’importantes poches non bâties : le phénomène a accentué l’étalement vers le marais, mais ouvre aussi d’intéressantes perspectives de densification.

Mont-Dol, photos aériennes de 1950 et 2012

Géo-Bretagne, de 1950 à nos jours->http://geobretagne.fr/sviewer/dual.html
L’urbanisation a progressé le long des routes faisant le tour du Mont-Dol mais ne s’est pas étalée au sud du bourg, ménageant ainsi l’équilibre du paysage et la relation entre le relief et le marais. Le sommet du Mont voit une nette progression de la végétation, privant le site de vues sur l’ensemble de la baie et de ses rebords.

Châteauneuf-d’Ille-et-Vilaine, Miniac-Morvan, photos aériennes de 1950 et 2012 - Géo-Bretagne, de 1950 à nos jours->http://geobretagne.fr/sviewer/dual.html

Le site des marais noirs présente de très importantes évolutions. Les peupleraies et les boisements ont pris une grande importance, transformant radicalement un paysage initialement dégagé, en lien avec le reste du marais et avec la mer elle-même.

Enjeux et pistes d’action

D’exceptionnelles conditions de perception accentuent le statut paysager de l’ensemble des marais. Non seulement de très nombreuses situations de rebords de reliefs et de points hauts permettent de les considérer, mais depuis ces points de vue, les marais apparaissent aux premiers plans du Mont-Saint-Michel. L’enjeu paysager est ici à la fois celui d’un territoire aux caractères singuliers, mais aussi d’un territoire très en vue, impliqué dans un paysage reconnu comme un des plus remarquables au plan mondial. Outre la qualité des paysages perçus, les conditions mêmes de perception, notamment les points de vue et les chemins de randonnée, sont un sujet de projet et d’attention. La mobilisation des digues pour la promenade par exemple, représente actuellement un programme d’un grand intérêt paysager en développant les accès, mais aussi en limitant la présence des voitures dont il convient de gérer les flux et les stationnements en accord avec le paysage.

Roz-sur-Couesnon - Une des vues sur le Mont-Saint-Michel depuis le jardin public. Tout le premier plan est composé par les terres cultivées du marais, ici principalement le secteur des polders modernes.

Conforter l’identité paysagère exceptionnellement originale

Le principal enjeu des marais concerne son identité paysagère incomparable, ses caractères à la fois très riches et très originaux, qui appellent une attention renforcée. La banalisation des implantations et des formes architecturales des logements et des activités représente un réel danger de perte d’identité. La recherche de dispositions urbaines et d’architectures liées à l’originalité remarquable du marais, combinée à celle de densités plus fortes limitant la consommation de terres cultivées, peut être considérée comme une priorité pour le paysage.

Distinguer les enjeux et les pistes d’action pour chaque partie des marais

  • Révéler le paysage des marais noirs
    Le site, identifié comme un milieu naturel exceptionnel, n’est que faiblement présent sur le plan paysager, faute de dégagement visuel et d’accessibilité. Un projet pourrait être mené visant à retrouver le dégagement qui l’unit à celui du marais et de la mer, ainsi qu’au site remarquable de Châteauneuf-d’Ille-et-Vilaine. L’abattage des peupliers restaurerait une plus juste perception des échelles : outre leur rôle occultant, ils écrasent également la hauteur du relief du Clos-Poulet. 
  • Cultiver l’originalité des marais blanc
    La standardisation des implantations et des architectures menace l’originalité des marais, notamment depuis les points de vue éminents comme sur le Mont-Dol. Une maîtrise des implantations, des volumes, des couleurs, des matériaux, est nécessaire au maintien du caractère singulier du site.
Vue depuis le Mont-Dol - Le rôle des implantations est traduit graphiquement, le rôle des lotissements au premier plan indique le danger d’une banalisation. Les longères sont au contraire mieux inscrites dans le paysage.

Les espaces cultivés restent singuliers, même après la disparition des arbres fruitiers. La terre grise, la planéité du sol, les lignes d’eau des étiers, les saules, forment un ensemble à cultiver. La diversité des cultures et la présence de pâturages sont à encourager pour en maintenir l’intérêt.

  • Maîtriser l’urbanisation de la digue et de ses villages
    L’ensemble de la digue est le secteur le plus urbanisé des marais. La progression de l’urbanisation touche à la fois le paysage de la digue perçue depuis l’estran, l’ambiance des villages eux-mêmes, et leur articulation aux marais au sud. Les coupures d’urbanisation le long de la digue sont désormais les seuls « passages » de la continuité paysagère entre les marais et l’estran, et sont à préserver. Les limites urbaines le long des routes peuvent être fixées comme des bornes de l’urbanisation, de sorte à renforcer la densité des zones bâties et éviter de futurs étalements. Les enjeux du paysage appellent à rechercher l’optimisation des enveloppes déjà bâties en mobilisant les reliquats laissés libres, et en densifiant les zones pavillonnaires.
Une continuité paysagère entre le marais et la baie, dans une coupure d’urbanisation perçue depuis le sommet du Mont-Dol
Vue de la digue depuis l’estran

La silhouette générale de la digue urbanisée influe sur la qualité paysagère de l’ensemble. Les émergences (clochers, moulins), les longères, apportent des caractéristiques originales, affaiblies par les linéaires pavillonnaires.

Un plan visuel « banalisant » de lotissement s’interpose entre le marais et la baie, affaiblissant le caractère unique du secteur
Le Vivier, schéma d’intentions paysagères

Les limites urbaines le long des routes, les continuités de paysages ouverts, l’optimisation des reliquats d’espaces libres, sont rassemblées sur ce schéma dont les principes valent pour les autres villages de la digue.

  • Veiller à l’équilibre des polders modernes
    Les dynamiques plus faibles que dans le reste de l’unité des Marais de Dol font que les polders modernes sont l’objet d’enjeux moins criants. Le maintien de l’élevage, alors que les cultures progressent, en fait partie, et peut appeler des dispositions d’encouragement. Le développement des fermes doit rester mesuré et compact. Les lignes de peupliers formant des « grilles » durcissent le paysage, leur renouvellement peut faire l’objet d’un débat.
  • Valoriser les singularités des pointes granitiques
    Ce sont des motifs uniques et patrimoniaux dont les caractères méritent une attention spécifique. Les dégagements visuels alentours, l’équilibre même des perceptions en lien avec les marais sont à maintenir en limitant les extensions urbaines, voire en dégageant les masses de peupliers dans le cas de Lillemer. Les points de vue au sommet du Mont-Dol et aux rebords de Saint-Georges-de-Gréhaigne, appellent une gestion des masses boisées qui pourraient se décompacter à terme.

Concevoir le projet paysager à l’échelle du marais

Le marais forme un tout, même s’il est varié dans ses ambiances. Il appelle une approche transversale, partagée entre les diverses collectivités. La qualité du paysage a tout à gagner d’une vision des enjeux et d’une planification élaborées à l’échelle de l’unité paysagère toute entière. La silhouette générale de la digue côté estran, ainsi que l’équilibre paysager des marais, appellent une approche coordonnée de la planification et des documents d’urbanisme, à l’échelle de l’ensemble des marais : un plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI) « Marais de dol » serait adapté aux enjeux du paysage.