Avec son linéaire important et les alignements d’arbres quasi-continus le long du chemin de halage, le canal pourrait apparaître comme un espace monotone. Or, le relief, les différents paysages traversés et les ouvrages qui le ponctuent en font une unité aux séquences variées.
Des ambiances variées, quatre séquences différentes
Les abords du canal (relief, ouvertures, occupation des coteaux…) créent des ambiances différentes, des séquences variées qui se succèdent le long du chemin de halage et animent le paysage même du canal.
D’Evran (22) à Tinténiac, une séquence champêtre
Cette première séquence du canal, en partant du nord, est champêtre. Elle est identifiée par la présence des cultures sur les abords, et la possibilité de les percevoir au travers du filtre des alignements d’arbres le long du chemin de halage. À travers ces fenêtres, les champs offrent des percées visuelles lointaines qui composent un paysage ouvert où jouent des sensations de clairs obscurs contrastés. Cette séquence est constituée d’une alternance de petits boisements (gaine boisée des ruisseaux plus ou moins enfrichés, alignements, bosquets, haies bocagères…), et de fenêtres ouvertes sur le paysage au-delà du canal.
Cette image forte de clair-obscur, souligne le contraste entre la luminosité parfois sombre du canal sous couvert végétal, et celle des champs ouverts plus lumineux qu’intensifie le jaune des blés.
Les différentes cultures animent la promenade, et proposent des couleurs et des formes changeantes au fil des saisons et des cultures. Les cadrages et les fenêtres cassent la monotonie des alignements du canal, et les vues permettent d’identifier des motifs de paysage lointains qui agrémentent la promenade.
De Tinténiac à Montreuil-sur-Ille, une intensification du paysage
Tinténiac marque la transition avec la séquence précédente. La commune constitue une petite étape urbaine, fortement identifiée par le pont, l’écluse, l’église et les auberges. La relation entre le canal, ses pratiques anciennes et récentes et Tinténiac est marquée par de nombreux accès à l’eau, des équipements proches des berges qui composent des espaces publics intégrés à la commune. Le tissu urbain de Tinténiac est ainsi en harmonie étroite avec le canal.
Tinténiac constitue un point focal du linéaire du canal, une étape urbaine, au sein d’un paysage essentiellement agricole. Les placettes et les auberges sont identitaires de son paysage urbain, et son clocher notable, y compris depuis le canal.
Cette séquence est constituée d’enchaînements forts de « mises en scène » du canal, provoquant un changement de rythme assez brutal dans la promenade jusque là calme et propice à la rêverie. Les petits boisements avant Tinténiac cèdent la place à des parcelles boisées plus importantes à partir d’Hédé. Le paysage semble plus fermé. On trouve au détour d’un méandre, le site des « onze écluses » d’Hédé. Les écluses qui n’étaient jusque là que des anecdotes le long de la promenade, deviennent de par leur fonction, leur rapprochement et leur impact visuel, déterminantes dans la perception et les usages des lieux. Ce point focal du canal correspond au passage du bassin versant de la Rance à celui de l’Ille. La succession d’écluses traduit cette « performance ». Ce sont autant de réservoirs en escalier permettant le franchissement nécessaire à la navigation d’un dénivelé de 27 m sur un peu plus de 2 km. Les écluses intensifient ici le paysage en en devenant le motif principal.
L’enchaînement d’écluses passé, les boisements se font de plus en plus denses et accompagnent le canal. La « voie verte » se mue en piste cyclable goudronnée sur une rive, et en GR37 sur l’autre, tous deux en surplomb par rapport au canal. La section devient progressivement forestière, jusqu’à s’enfoncer dans les bois sud de la forêt de Tanouarn, sous un couvert végétal dense et constant. En contrebas, le canal n’est plus l’objet principal du paysage mais devient prétexte à la promenade forestière. Les alignements ont disparu et les berges se font plus sauvages. Les arbres sont magnifiés par les effets de lumière et leur reflet à la surface de l’eau. L’ancienne limite que représentaient l’alignement et les bosquets de la « voie verte » est devenue perméable et appropriable. La berge devient un bois qui s’étend jusqu’à l’étang de Bazouges, où l’on peut rejoindre un autre réseau de promenades. En effet, ce bois offre différentes possibilités d’accéder à la forêt, l’étang… et de mailler des boucles à cheminer, y compris le GR 37.
La « voie verte » est devenue le GR37. Le canal en contrebas, à droite de l’image, n’est plus le motif de paysage principal, la forêt permet de rejoindre d’autres itinéraires de promenades et le bassin de Bazouges.
A la sortie du bois, intervient un dernier changement d’état du canal qui semblait pourtant reprendre son aspect bucolique. A la Plousière, au détour d’un pont, un bassin de partage des eaux dont il est pourtant séparé semble l’élargir soudainement.
De Montreuil-sur-Ille à Saint-Germain-sur-Ille, le canal encaissé
La portion entre Montreuil-sur-Ille et Saint-Germain-sur-Ille est également très arborée, mais retrouve le traitement et le rythme calme de la séquence champêtre (rives occupées par la « voie verte », alignement d’arbres…). Cerné par les coteaux abrupts d’une vallée encaissée, le canal occupe tout l’espace visuel du fond de vallée, et apparaît plus que jamais comme le principal motif de paysage. Ce sentiment est renforcé par les alignements d’arbres opaques qui dirigent le regard sur lui.
Le paysage étant fermé par la végétation et par le relief, les rares décrochés créent des « poches » de paysage qui induisent un sentiment d’intimité et d’appropriation plus important des abords réguliers du canal. Cette proximité et cette sensation intime n’est pas remise en question par le passage de la voie ferrée pourtant proche et traversante, tellement le canal est encaissé.
Du sud de Saint-Germain-sur-Ille à Saint-Grégoire, un caractère urbain
Le canal, au sud de Saint-Germain-sur-Ille, entre petit à petit dans sa séquence urbaine et entame sa participation au paysage de l’agglomération rennaise. Même entre Chevaigné et Betton, et entre Betton et Saint-Grégoire où le canal traverse des espaces dédiés à l’agriculture, la présence des infrastructures (routes, voie ferrée, lignes à haute tension…), et les vues sur Rennes depuis les hauteurs, rappellent la ville proche.
Les centres-villes jouissent agréablement du canal, élargi, et le mettent en scène. Empruntant la vallée de l’Ille, il est un élément fortement constitutif du tissu urbain de Betton où il occupe une place centrale et devient espace public. Le canal et l’Ille entretiennent notamment une relation forte avec les bâtiments communaux comme l’église, la mairie, la médiathèque... Le canal longe la rivière, les deux cours d’eau apportent une qualité particulière au centre de Betton, l’Ille étant de plus le lieu de scènes artistiques, sportives… A Saint-Grégoire, le canal constitue la limite est de l’urbanisation. La relation entre la ville et le canal est assurée par de nombreux accès à la « voie verte », des espaces publics de parc liés directement au canal, et une base nautique renommée.
On peut cependant regretter le manque de relation entre des lotissements pavillonnaires plus récents et le canal. En effet, leurs volumes entravent parfois sa perception et sa lecture dans le grand paysage (à proximité de l’ensemble scolaire au nord de Saint-Grégoire par exemple). À une échelle plus locale, les lotissements au sud de Betton n’offrent aucun accès aux berges.