A la confluence de trois cours d’eau, la Vilaine, l’Oust et l’Arz, la ville de Redon est bâtie sur un site proposant des paysages singuliers, tantôt en balcon, tantôt en ligne de crête. Le moteur économique s’est ajouté au motif religieux initial de l’implantation. Dans la continuité du port et de la gare, déstructurant la vieille cité, les zones d’activités ont grignoté le marais. Le tissu urbain s’est implanté sur les coteaux abrupts et les reliefs plissés. Les promontoires habités et cultivés des départements voisins offrent des panoramas imprenables sur l’aire agglomérée redonnaise.
Vallées, crêtes et coteaux… limites naturelles de l’agglomération
Les limites sensibles de l’agglomération sont générées principalement par des éléments naturels. L’aire bâtie est délimitée par les fonds de vallées ouvertes, encadrées par les reliefs des départements voisins, notamment les crêtes de Saint-Perreux, de Saint-Nicolas-de-Redon et de Saint-Jean-la-Poterie. A l’ouest, le coteau de Bahurel et le canal de Nantes à Brest ont contraint la ville à un développement sur les parties hautes. Au sud, l’ancien cours de l’Oust, très sinueux, vient buter contre un rebord de faible dénivelé où s’est constituée la ville. A l’est, les coteaux abrupts, boisés, de la Vilaine ont contraint Redon à se structurer sur les points hauts dominant sa vallée. Sur l’autre rive, à Saint-Nicolas-de-Redon, les développements urbains de fond de vallée assurent une continuité bâtie entre les deux communes, constituant alors la même agglomération. Au nord, les crêtes de Bains-sur-Oust qui assurent la transition avec l’espace agro-naturel et le bocage environnant accueillent les développements urbains les plus récents. Les limites nord sont marquées par la voie de contournement aujourd’hui Nord-Est, en travaux sur la section Nord-Ouest aux abords de la vallée du ruisseau de Via. Ces barrières contribuent à créer un effet de seuil. Plus au nord, la perception sensible du tissu urbain s’altère lorsqu’on franchit le coteau de Colomel sur la route de La Gacilly.
Un site de confluence et de marais
A la limite de plusieurs départements, la commune de Redon s’inscrit sur un site très singulier fortement marqué par un réseau hydrographique dense. Les vallées de la Vilaine et ses affluents entaillent le relief. La zone de débordement des eaux s’étale sur de vastes étendues formées par les cours d’eau, leurs bras, des prairies et des marais. Les canaux favorisant la mise en culture des terres (drainage) ou favorisant la navigabilité entre les villes bretonnes (canal de Nantes à Brest, section canalisée de la Vilaine) complètent ce tableau paysager dont le site de la confluence est l’expression la plus aboutie. Le système de reliefs plissés multiplie les ouvertures sur les plaines alluviales. Ponctués de points hauts et de creux, ces éléments de reliefs rythment le paysage. L’ensemble de ces crêtes est incisé par de petits vallons, notamment ceux du Thuet à Redon et de l’Orgerais à Saint-Nicolas-de-Redon, qui se déversent dans les vallées et la confluence.
L’implantation de la ville à la confluence d’un réseau hydrographique abondant, devenu navigable au XVIIIe siècle, permet de contrôler un point de passage stratégique ouvrant au sud vers l’Atlantique et, au nord, donnant accès à Rennes puis à la Manche.
La vieille ville, à droite, s’inscrit sur un léger rebord dominant la Vilaine. Partant de ce rebord, les développements urbains successifs se sont insérés sur les coteaux ouverts au sud, puis les crêtes, jusqu’au coteau, ouvert au nord, sur la route de Rennes.
Les confluences, un ancrage paysager majeur
Les vallées de la Vilaine et de l’Oust, mais surtout leur confluence, produisent le paysage caractéristique de Redon. Implantées sur des points légèrement en surplomb du lit des rivières, la ville et son urbanisation dialoguent avec l’espace agro-naturel, les marais et les champs de l’autre rive.
Les trois séquences paysagères de la Vilaine
- En amont, le fleuve canalisé occupe un rôle central dans la composition paysagère. Il sinue au cœur d’un espace ouvert occupé par des champs cultivés. Les haies qui subsistent, s’inscrivent perpendiculairement au cours d’eau.
- Dans sa portion « centrale », traitée en quai, la Vilaine dialogue avec le tissu urbain qu’elle traverse. Elle fait l’objet d’un franchissement offrant des points de vue sur l’architecture de la ville et le paysage agricole alentour. Ces points de vue sont cependant obstrués par le développement commercial le long de la voie traversant la vallée, côté Saint-Nicolas-de-Redon, et par une peupleraie en rive ouest de la voie, interdisant les vues sur le marais.
- En aval, les rives de la Vilaine présentent deux portraits en rupture ; d’un côté, la zone portuaire et de l’autre le Marais Neuf.
L’Oust : un paysage ouvert
A l’opposé de la Vilaine, les rives de l’Oust composent un paysage ouvert dont la valeur paysagère tient à son occupation par des champs cultivés, des prairies et quelques boisements ponctuels. Depuis cet espace plan, il n’existe aucune perspective sur la ville, pourtant proche, juste derrière les masses boisées.
Les vallons et coteaux préservés de l’urbanisation enrichissent le cadre paysager
Le relief du nord, sur lequel la ville s’est bâtie et développée, est marqué par des vallons qui proposent au visiteur autant de perspectives, proches ou lointaines, sur le tissu urbain. Parfois, au contraire, l’effet d’encaissement bloque la perception du paysage. Certains secteurs internes aux tissus urbains préservés, constituent de véritables espaces de respiration pour l’agglomération, notamment le parc de Bel Air, les coteaux boisés de Beaurepaire et Bahurel ou encore le vallon du Thuet.
Les motifs religieux et économiques au cœur de la construction du paysage urbain
De la ville close à la ville port
Inscrit sur un site protégé des invasions, à la confluence de la Vilaine et de l’Oust, la fondation de Redon autour d’un monastère remonte au milieu du IXe siècle. La tour, le cloître et la nef organisent une place du centre-ville et enrichissent le paysage urbain « intra-muros ».
Au XIVe siècle, la construction d’une enceinte fortifiée avec trois portes ouvrant la ville vers Rennes, Nantes et Vannes, ainsi que des poternes et des tours, atteste de l’importance stratégique du lieu. Aujourd’hui, les constructions implantées à l’alignement ont remplacé, par endroits, les fortifications dont il subsiste un témoignage sur le quai Saint Jacques. Ce quai marque une des séquences paysagères d’entrée du centre-ville, le long des rives de la Vilaine. Autour de la ville close, se sont développés deux types de faubourgs : le quartier du port avec les demeures des armateurs donnant sur les quais, les greniers à sel de la rue du Port, etc. et le faubourg Notre Dame sur la route de Rennes, de l’autre côté d’un glacis (aujourd’hui le cours Clémenceau).
Au XVIIIe siècle Redon est constituée de la ville close organisée autour de l’abbaye, de la ville « portuaire » qui s’implante à l’alignement des quais de la Vilaine, et du faubourg Notre Dame, au nord. Ces entités se trouvent isolées les unes des autres par un glacis ou des remparts.
Source : Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, cote C 421 (1)
Redon, Grande Rue et place de la Duchesse Anne - La Grande Rue relie le quartier des armateurs au faubourg Notre Dame en empruntant la place de la Duchesse Anne dont le bâti occulte la perspective (à gauche). Dans l’ancienne ville fortifiée subsistent des bâtisses anciennes bien conservées, notamment les maisons à pans de bois construites entre le XVIe et le XVIIIe siècle.
Redon, quai Saint Jacques et rue Notre Dame (de gauche à droite) - Depuis la RD 67 longeant la Vilaine, les fortifications de la ville close, le quai des armateurs, contrastent avec l’autre rive arborée. Au fond, le pont de la voie ferrée surmonté du couvent des Calvairiennes ferme la perspective créée par le front bâti du quai, qui prolonge l’effet du rempart. Source (à droite) : Google Street View
Les quais de la Vilaine canalisée sur lesquels se sont alignées des maisons d’armateurs proposent un paysage singulier et caractéristique des villes portuaires. Le développement d’activités artisanales et commerciales s’est réalisé initialement autour de l’abbaye. La situation stratégique de la ville a permis son essor économique. Au XVIe siècle, la canalisation de la Vilaine a favorisé le développement portuaire de la ville. Les navires de mer pouvaient alors remonter le fleuve jusqu’à Redon, devenu une plateforme de déchargement et de transbordement des marchandises sur bateaux fluviaux pour alimenter Rennes. Le développement économique et la construction du canal de Nantes à Brest en 1842 ont modifié le paysage urbain patrimonial, aujourd’hui enrichi et ponctué par la présence de bateaux de plaisance et de péniches.
Les maisons d’armateurs structurent les quais de la Vilaine depuis plusieurs siècles. Dans ce quartier, un riche patrimoine architectural atteste de cette période florissante, notamment la tour Richelieu datant du XVIIe siècle.
Source (à droite) : Wikipédia
Le quai de Brest offre une succession de perspectives sur des rues dont les composantes illustrent les temps d’élaboration de la ville. Aux abords de la gare, du port, les faubourgs du XIXe siècle recèlent un gisement urbain et paysager à capitaliser.
En lien avec la construction du canal de Nantes à Brest, les bassins à flot sont creusés à partir de 1836. Autour de ces voies de communication se sont cristallisées les activités portuaires et industrielles du XIXe siècle notamment la fonderie Pierre Chevalier construite en 1864.
Sur l’arrière du quai des armateurs, le bassin créé au XIXe siècle assure la jonction entre le canal de Nantes à Brest et la Vilaine par un jeu d’écluses. Au fond, la silhouette de la vieille ville se dessine avec pour point de repère la tour de l’abbaye. La presqu’île occupée pour partie par des friches industrielles a fait l’objet d’un aménagement urbain ponctuel.
Source : Google Street View
Aujourd’hui, la ville a mis en place des mesures de valorisation, notamment à travers une campagne de ravalement des façades, et de protection de son patrimoine, comme la restauration du pont tournant sur le canal de Nantes à Brest. Le patrimoine architectural lié aux voies d’eau contribue étroitement à la singularité du paysage redonnais.
Cette industrie mécanique (construction de machines agricoles) occupait une position stratégique sur la presqu’île. Entre la Vilaine et la darse du port, elle disposait d’un approvisionnement par voie fluviale. Aujourd’hui désaffectés, ces bâtiments industriels constituent un marqueur paysager important inscrit sur le « bec » de Redon.
Des coupures urbaines qui réorganisent la ville et génèrent des paysages singuliers
Le canal de Nantes à Brest, élément artificiel du paysage mais non moins fondateur, constitue un ancrage paysager très fort. A l’ouest, sa portion « rurale » est marquée par le chemin de halage qui propose un espace de flânerie et de promenade. Dans sa partie traversant l’agglomération, il constitue en plus de cet usage, une coupure importante des tissus urbains et un motif paysager organisant des perspectives sur la ville.
Vues en direction de Saint-Nicolas-de-Redon depuis le pont de la Grande Rue (à droite) et depuis le quai de Brest (à gauche) - Point d’ancrage paysager majeur et élément de structuration des tissus urbains, le canal constitue un des maillons essentiels du développement économique et touristique de la ville.
Le canal crée la première coupure urbaine, il sépare la « ville des armateurs », au sud, de la ville close, au nord. Plus tard, la voie ferrée sépare le faubourg Notre Dame de la ville close et longe le coteau. L’intention de son tracé apparaît sur le plan cadastral ci-dessus.
L’arrivée du chemin de fer à Redon et l’ouverture de la gare en 1862 vont contribuer à renforcer l’accessibilité de la ville mais vont également générer une nouvelle rupture urbaine et une concurrence économique entre le rail et le transport fluvial.
A gauche, l’emprise ferroviaire scinde le tissu en deux espaces autonomes, uniquement reliés par des ponts. Au-dessus des caténaires et des rives arborées des voies, la tour de l’abbaye Saint Sauveur marque l’horizon. Un projet urbain autour de la gare va modifier le paysage et proposer des perméabilités entre les deux rives.
A droite, la voie de chemin de fer coupe le paysage du centre-ville. Des efforts d’intégration au tissu, plantations et passage sous les voies ont été cependant été entrepris.
L’ensemble des coupures crée plusieurs îlots urbains indépendants, marqués par une histoire et une architecture produisant leurs paysages propres.
L’explosion du développement urbain sur le relief du nord
La commune a connu une forte croissance démographique à partir de l’après-guerre jusqu’au milieu des années 1970 qui s’est traduite par une extension urbaine sur les crêtes du nord. La mutation du paysage sur les revers du plateau a été importante. Aux quartiers d’immeubles se sont ajoutées les extensions pavillonnaires de la fin du XXe siècle. Urbanisation linéaire le long de voies importantes et lotissements ont achevé la mutation paysagère et urbaine du rebord.
L’extension urbaine s’est principalement effectuée sur le modelé au nord du cœur historique. Les champs encore présents en 1948 autour du parc Bel Air et à l’est de la rue Notre Dame ont été investis par des lotissements, des immeubles et des équipements. A la fin des années 1970, la ville s’est considérablement étendue jusqu’au porte de la commune d’Oust-les-Bains avec l’implantation de la zone d’activité de Briangaud.
Source : Géoportail
Le coteau urbanisé de Saint-Nicolas-de-Redon offre parfois des fenêtres sur le paysage de l’agglomération redonnaise. La tour Saint Sauveur, les immeubles, les coteaux boisés et la vallée cultivée de la Vilaine composent un tableau paysager remarquable.
Entre restructuration du tissu urbain et extension raisonnée, vers de nouveaux paysages urbains
La ville de Redon est profondément marquée par des espaces industriels présents dans son tissu urbain central et au contact d’espaces naturels. Ces zones industrielles constituées autour du port, de la voie ferrée et dans le fond des vallées, témoins de l’activité économique de la ville, représentent des lieux où la mutation urbaine peut s’opérer et générer des paysages « nouveaux ». En atteste par exemple l’opération de renouvellement partiellement menée sur le site de l’usine Garnier.
L’accueil du musée de la batellerie, d’un cinéma sur le site a redynamisé cet espace central tout en préservant les éléments patrimoniaux caractérisant le site, notamment le logement patronal. L’aménagement paysager de la « pointe », suite à la destruction d’une partie des entrepôts, a permis de restaurer un dialogue entre le site et les rives de la Vilaine.
Plusieurs secteurs définis dans le PLU, notamment le pôle Gare ou le Châtelet, vont poursuivre la mutation des paysages urbains du cœur de l’agglomération. La création de nouveaux quartiers sur le « plateau » du nord, autour de la zone d’activité du Briangaud, modifiera vraisemblablement les perceptions et structurera l’entrée de l’agglomération au niveau des routes de Rennes et de La Gacilly. Le développement de formes urbaines plus denses et l’intégration des opérations de constructions dans leur environnement devraient permettre d’instaurer un dialogue entre les zones économiques, les hameaux anciens et les quartiers récents autour d’un nouveau vocabulaire urbain. Avec 450 logements, la ZAC du Châtel Haut Pâtis, un programme mixte accueillant une coulée verte structurante et une centralité de quartier, propose des formes urbaines variées à l’intérieur de la rocade, sur des espaces actuellement occupés par des cultures.
Le secteur de la Porte/Chêne Milan va entraîner une mutation de l’entrée de ville au niveau du carrefour de la rocade avec la RD 65 et proposer une nouvelle vitrine économique à la ville.
La lisibilité de l’interface urbaine/rurale
Plusieurs éléments participent à la délimitation franche de l’espace urbain. Le réseau hydrographique et la topographie constituent depuis toujours à la fois une barrière au développement urbain et la condition de l’implantation de la ville. Aujourd’hui, l’effet des infrastructures, la rocade et le viaduc sur la Vilaine contribuent étroitement à la préservation de la lisibilité entre les espaces agro-naturel et urbain.
La RD 775 structure le développement des zones d’activités. Le long de cet axe, les entrées de ville sont marquées par l’empreinte paysagère des zones d’activité. La délimitation de l’agglomération est plutôt franche même si l’éparpillement des constructions au nord de la rocade est à souligner.
Redon - La zone d’activité implantée sur le marais, au sud du port et le faubourg du XIXe siècle qui y est attaché, sont deux territoires de projets qui peuvent offrir l’opportunité de remailler la relation ville/nature alors que d’une manière générale les interfaces urbain/rural sont peu articulées.
Redon, la RD 177 (à gauche) et la route de Vannes (à droite) - La dispersion des bâtiments d’activité dans l’espace rural en amont de la rocade de Redon marque fortement le paysage d’entrée de ville. De même, les panneaux publicitaires et l’activité portuaire (réparation de bateau …) alimentent le paysage d’activité du sud.