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L’espace public et les implantations

Parce qu’ils accueillent les déplacements, la vie publique, les espaces publics structurent la perception de l’espace urbain. Alors que tout projet de construction produit naturellement de l’espace public, sa conception reste encore souvent absente des programmes. Pourtant, parler d’espace public, c’est tout à la fois aborder les questions du statut du foncier, des usages, des pleins et des vides.

L’espace public est au cœur du paysage bâti : c’est là que se situe l’observateur, il accueille les déplacements et la vie publique, et son volume vide mais très pratiqué structure la perception de tout l’espace urbain. Concevoir la dimension paysagère du projet urbain appelle ainsi une attention spécifique aux implantations du bâti vis-à-vis de l’espace public, ainsi qu’aux traitements de l’espace lui-même en fonction de critères propres au paysage, tels son rôle joué dans la perception des espaces, et les usages qu’il permet. Cette attention permet de concevoir des espaces urbains qui sont des paysages identifiables et cohérents.

Ceci est d’autant plus utile que la recherche de densités plus importantes, la taille des parcelles individuelles tend à se réduire. Un espace public de qualité, y compris les secteurs de paysages naturels, peut compléter les tissus denses et offrir les espaces nécessaires aux populations, tout particulièrement les plus jeunes, qui ont besoin d’espace pour se défouler et se retrouver.

Un espace de référence pour la vie de la ville

Complémentaire de l’espace privé, l’espace public accueille la vie publique extérieure. Il donne forme à la fois à l’organisation du bâti, au commerce, il accueille des événements, des spectacles, des rencontres… Le « vide » central de la ville est l’espace commun, celui qui permet notamment de commercer. L’espace public peut soit résulter d’abord d’une organisation choisie du bâti ou, au contraire, être le moteur premier de son implantation.

Combourg, place Albert-Parent - La place Albert-Parent, au centre de la ville, est à plusieurs titres une pièce majeure du paysage de la ville. Le dégagement qu’elle ouvre offre une vision sur les bâtiments structurés en façades contiguës qui dessinent la forme de la place. L’église apparaît dans la perspective, et la place fait le lien entre les différentes composantes de la ville. L’espace disponible accueille la vie collective, en particulier le commerce, avec le marché ou, ici, les cafés. Les rez-de-chaussée sont ainsi des prolongements de l’espace public qui forme un tout identifiable. Le plan triangulaire est historiquement lié à l’évasement de la place « banale » proche du château.

Saint-Jacques-de-la-Lande - L’espace public du cours Camille Claudel structure le quartier de la Morinais. C’est par lui, et non par le parking, que l’on accède au supermarché. Il se poursuit en belvédère donnant sur le cours du Blosne, principal motif naturel du site. L’espace du ruisseau s’inscrit lui aussi dans le réseau des espaces publics, sous forme de parc. La toiture du supermarché contribue elle-même à la richesse des espaces publics, sous la forme d’un jardin en cœur d’ilot. La diversité des traitements, des situations, donne corps à un ensemble de lieux publics qui, selon leurs implantations, leur exposition, leurs dimensions, relèvent de l’espace public du quartier, d’une cour urbaine, d’une coulée verte d’agglomération. L’eau, caniveau, chemin d’eau ou ruisseau, est le trait d’union de tous ces espaces.

Fougères, un jour de marché - La vie publique, le commerce, ont leur place dans l’espace public. Et le lien avec les campagnes environnantes est renforcé les jours de marché, avec la vente directe par les producteurs locaux.

Traitements et positions de l’espace public

L’espace public permet d’intégrer plusieurs objectifs visant la qualité des paysages :

  • Valoriser les points de vue, qui renforcent la perception des territoires. Cela suppose une identification préalable et la volonté de donner à voir, d’offrir une représentation de l’espace par un cadrage déterminé ;
  • Valoriser les points de contact avec les espaces de nature, comme les berges ou les chemins bocagers, les vergers et jardins partagés ;
  • Organiser des articulations et des continuités visant à réparer les effets des morcellements des territoires ;
  • Adopter des traitements spécifiques contribuant à l’identification et la reconnaissance des espaces, en accord avec leurs histoires, usages et statuts
  • Organiser les déplacements : accueillir et valoriser les liaisons à pied et à vélo, organiser le stationnement pour éviter qu’il n’envahisse l’espace ;
  • Valoriser la vie collective : permettre les marchés, les rassemblements, valoriser les commerces urbains, permettre l’imprévu à l’image des grandes prairies publiques qui peuvent être à la fois l’occasion de taper dans un ballon ou d’accueillir un cirque, une manifestation culturelle.

Fougères, depuis le jardin public - Le point de vue joue plusieurs rôles paysagers : il offre un panorama sur la ville et constitue lui-même un espace pour la promenade et les rencontres.

Chantepie - Le traitement très spécifique de l’espace public donne au site un caractère unique et permet son identification. On remarquera cependant un effet de perspective qui donne sur un motif banal…

Du « vide » en forme

L’espace dégagé a une forme, il n’est pas seulement la résultante de la disposition des volumes bâtis. Quand cette forme permet d’identifier des lieux, un paysage peut naître dans lequel les éléments sont associés les uns aux autres, en relation avec les conditions de perception offertes aux occupants. Certaines dispositions, notamment les perspectives, renforcent les perceptions en organisant les éléments en relation avec des composantes lointaines du paysage.

Lillemer - Quelques maisons suffisent à organiser un paysage lisible, à donner forme à l’espace public central. L’ouverture vient également cadrer le site du marais,  contexte agro-naturel du bourg construit sur le relief d’une ancienne île.

Tremblay - Quand le vide n’a pas de forme, l’espace devient moins lisible et perd sa dimension de paysage pour ne se présenter que comme une addition de volumes bâtis. Ces dispositions, très fréquentes, ont contribué à la banalisation de nombreux secteurs aux abords des villes.

Retiers, rue Louis Pasteur - Le paysage est structuré par la perspective qui met les éléments en relation, et en organise la perception. L’identification du clocher, repère qui situe le centre de la localité, est renforcée par sa position dans la perspective. Ces dispositions qui se retrouvent fréquemment représentent un patrimoine de valeur, même s’il n’est pas lui-même bâti.

Bain-de-Bretagne, grande rue - L’axe de la rue ouvert en perspective vient cadrer le paysage lointain dont  le village de Pancé est un élément à l’horizon. Toute la structure du paysage devient lisible. Le village sur la crête, les plissements du relief, les cultures sur les flancs… s’organisent dans une perception paysagère, renforcée par le cadrage. Les réseaux aériens ont été effacés de la photo.

Des implantations qui ont du sens

Très souvent en Ille-et-Vilaine, des implantations du bâti reprennent les principes de celles de la longère : façades au soleil, bâtiments en bandes perpendiculaires à la voie principale. Ces dispositions présentent de très intéressantes caractéristiques paysagères qui peuvent utilement inspirer des conceptions contemporaines.

L’ensoleillement (façades au sud) et l’espace (bâtiments jointifs), sont optimisés, ainsi que le linéaire de desserte (un seul accès sur la voie principale, le coût de tous les ramassages est ainsi réduit). Seule, la desserte par les cours au sud pose aujourd’hui problème, mais pourrait être compensée par des accès et des portes au nord. Déclinée parfois jusqu’à l’échelle du bourg, la formule donne à l’espace public un caractère affirmé tout en s’inscrivant dans une culture locale de l’urbanisme.

Dans d’autres cas, les implantations et le travail des façades permet de renforcer les liens avec les éléments de nature présents dans les villes, en particulier les cours d’eau.

La-Ville-es-Quelmées, hameau de Saint-Lunaire. Vue du paysage, et vue aérienne - Dans le hameau, l’implantation des maisons construit le paysage, composant un espace public unique. La rue paraît serpenter entre les longères qui ouvrent au sud leurs façades et leurs petits jardins, clos de murs, assez bas pour laisser entrer le soleil. La vue aérienne permet de comprendre le rôle des longères, successions de deux ou trois maisons, dans la production d’un paysage si peu banal.

Vue depuis le Mont-Dol, quand les implantations font ou défont le paysage - A gauche, les implantations en cours de fermes et en longères organisent et structurent un paysage, par ailleurs ancré dans une logique climatique et culturelle. A droite, le lotissement le long de la rue qui  ne reprend aucun des caractères des dispositions traditionnelles du secteur, évoque les quartiers pavillonnaires péri-urbains.

Mont-Dol, vue aérienne - La différence très nette entre les modes d’implantation explique les distorsions du paysage.

Rennes, le quai Saint-Cyr, quant le bâti et le cours d’eau dialoguent - La Vilaine canalisée ouvre une perspective ponctuée par le beffroi de l’hôtel de ville. Sur la berge, le projet urbain combine un espace public généreux, offert à la promenade et au délassement (la pente plein sud invite au farniente !), et des façades dont l’ordonnancement accompagne l’organisation générale du site. Leurs ouvertures indiquent la qualité offerte par le site, et un dialogue s’instaure entre elles et le plan d’eau. Les accès entre les immeubles assurent une perméabilité fonctionnelle qui permet de mettre en relation deux espaces publics majeurs, la Vilaine et le mail François Mitterrand et, à travers ce dernier, le quartier et la rivière. Cet espace aujourd’hui ouvert, remplace une ancienne zone industrielle et artisanale qui limitait l’interface entre la ville et la rivière.

Rennes, école d’architecture - La façade en bois épouse la courbe du petit canal, le bâtiment devient un quai ou la coque d’un bateau… Les éléments sont liés entre eux, la conception architecturale est unique : un paysage est identifiable et son ambiance est enrichie par les éléments de nature, le canal, les arbres, et la vie qu’ils abritent.

Servon-sur-Vilaine - L’espace public combine de nombreux aspects paysagers : une perspective qui relie le nouveau quartier  au le centre et à la gare et organise les bâtiments du nouveau quartier, un espace pour le délassement et la rencontre, au contact de la vallée de la Vilaine, référence naturelle du site.