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Les lieux de paysages de l’Ille-et-Vilaine perçus par ses habitants

Plusieurs lieux de paysages de dimension départemental sont repérés par les habitants enquêtés. De façon logique, les paysages les plus touristiques sont emblématiques du fait de leur large médiatisation. Leur dimension extraordinaire est appréciée dans l’équilibre de leur composition, entre éléments naturels et construits. Ces lieux sont autant cités que des paysages ordinaires, plus commun, en particulier le paysage agricole bocager.

Aussi, la localisation des paysages donne à voir la considération d’une grande partie de l’espace départemental qui exclue cependant le bâti et les formes urbaines contemporains. La proximité déterminant ces paysages distingue également des territoires infradépartementaux.

Un paysage de l’Ille-et-Vilaine multiple et complexe

Interrogés sur les paysages de l’Ille-et-Vilaine, les élus communautaires et les autres acteurs des paysages rencontrés sont souvent, dans un premier temps, perplexe pour parler du paysage ou d’un paysage de l’Ille-et-Vilaine. Celui-ci leur semble multiple et complexe ; multiple, parce qu’il renvoie à divers environnements et à différents territoires au sein du département. Complexe, parce qu’il relève de plusieurs dimensions et sous-tend différentes composantes.

Aussi, lorsqu’on demande aux habitants si le paysage de l’Ille-et-Vilaine leur semble plutôt très ou peu diversifié, 83 % des répondants l’estiment très diversifié.

Les paysages choisis pour parler des paysages de l’Ille-et-Vilaine n’apparaissent pas identitaire d’une unité du territoire départemental. Les territoires administratifs cités les plus souvent sont les villes-centre des grands pôles urbains ; afin de localiser le secteur dans lequel se trouve le paysage décrit. Aussi, 47 % des enquêtés associent un nom propre au paysage de l’Ille-et-Vilaine qu’ils choisissent de décrire.

Les unités géographiques renvoient plus facilement à un paysage ; la côte (aussi appelée le littoral, ou la mer), les massifs forestiers (de Brocéliande, et plus localement de Fougères, de Rennes ou de ou de Chevré), ou les voies d’eau (en premier lieu, la Vilaine, puis le canal d’Ille-et-Rance). Les vallées (de la Vilaine, du Couesnon, moins souvent de la Rance ou du Canut) sont aussi évoqués, mais plutôt par les habitants des Pays où elles se trouvent, ou par des acteurs des activités de pleine-air. Certains parlent aussi d’un milieu : la forêt, les marais (de Dol ou de Redon), les landes, les prairies, les cultures (ou « la campagne bocagère »). Quelques-uns (6 % des répondants de l’enquête par questionnaire) choisissent de parler d’un ou des « Espaces Naturels Sensibles » du Conseil Général. L’évocation de milieux particuliers distingue plus souvent les répondants selon leur secteur géographique de résidence. Seuls les naturalistes interrogés semblent les considérer au-delà de leur proximité géographique. Quelques-uns choisissent un cadre ou un objet particulier au sein de cette unité géographique ou de ce milieu. Ces derniers apparaissent plus nombreux parmi les catégories socioprofessionnelles les plus modestes.

Aussi, les paysages de l’Ille-et-Vilaine retenus par les personnes interrogées renvoient à différents types d’unités. 

Avant la composante identitaire, les composantes affectives, puis spatiales, sont les plus souvent retenues pour décrire un paysage de l’Ille-et-Vilaine. Au-delà d’un territoire ou d’un nom de lieu, la composante identitaire relève principalement d’éléments patrimoniaux, bâti (château, manoirs, fermes, clocher), ou non (ragosses, talus), qui rapportent l’histoire ou la culture locale (histoire, conte, légende). L’un des élus rencontrés parle là très justement de « paysage animé ». Elle émane aussi, mais dans une moindre mesure, de l’appropriation des paysages décrits ; à travers des termes comme « chez moi », « mon enfance, ma jeunesse », « mon quotidien ».

La reconnaissance de paysages ordinaires

Les personnes enquêtées considèrent tout autant les paysages extraordinaires (ou emblématiques) que les paysages ordinaires (ou communs). Les répondants au questionnaire sont aussi nombreux à choisir un paysage extraordinaire qu’un paysage ordinaire pour parler de leur département. La grande majorité des acteurs rencontrés passe assez rapidement sur les paysages « reconnus » ou « institutionnalisés » pour développer leur appréciation de paysages ordinaires.

La qualité du paysage de l’Ille-et-Vilaine - Répartition des répondants selon la qualité du paysage cité pour décrire un paysage de l'Ille-et-Vilaine à une personne qui ne connaitrait pas le département.

Plus que la reconnaissance ou non de la qualité des paysages, la proximité des paysages apparaît prégnante de son choix pour parler des paysages du département.

La plupart des répondants et des interviewés s’attachent aux paysages qui se trouvent au sein de leur Pays de résidence (même si les habitants du Pays de Rennes se distinguent ici par le choix de paysages plus éloignés).

92 % des répondants au questionnaire disent que « la nature » (soit le paysage de nature) est facilement accessible, qu’ils s’y rendent souvent (pour 52 %) ou de temps en temps (44 %). (Là encore, les habitants du Pays de Rennes se distinguent par la plus faible proportion de ceux qui répondent s'y rendre souvent et la plus forte proportion de ceux qui disent s'y rendre rarement.)

Aussi, les paysages retenus par les habitants interrogés pour parler des paysages de l’Ille-et-Vilaine couvrent la quasi-totalité du territoire départemental.

Les éléments de la composition urbaine contemporaine apparaissent rarement en termes de paysage, bien que 87 % des répondants habitent un grand pôle ou une couronne d’un grand pôle urbain ou que 71 % déclarent habiter le centre ou la périphérie d’une agglomération (quelque soit la commune). Le milieu urbain est choisi par moins de 5 % des répondants au questionnaire. Sa dimension paysagère interroge la plupart des acteurs interviewés, alors que le patrimoine bâti ancien est reconnu comme objet du paysage.

Des traits caractéristiques du paysage de l’Ille-et-Vilaine

Avant de présenter la composition spatiale des paysages caractérisant les paysages de l’Ille-et-Vilaine selon les personnes enquêtées, il est important de souligner que la composante spatiale n’est ni la seule, ni la première composante retenue par les Brétilliens pour décrire le paysage de l’Ille-et-Vilaine aujourd’hui. La typologie des mots choisis pour décrire une série de photos de paysages représentatifs du département retient sept composantes associées.

Structure des représentations sociales des paysages de l’Ille-et-Vilaine distinguant les dimensions normatives (vert ) et fonctionnelles (bleu) de ces représentations, déterminée à partir des mots utilisés par les habitants enquêtés pour parler des paysages de l'Ille-et-Vilaine.

Seuls 40 % des répondants choisissent un mot ayant trait à sa composition spatiale 47 % retiennent sa composante affective. Aussi, la composante affective est aussi importante que la composante spatiale dans la structure des représentations des paysages de l’Ille-et-Vilaine. Cette structure (schématisée dans le graphique ci-dessous) montre que les habitants parlent peu des paysages de l’Ille-et-Vilaine en termes génériques ou en termes temporels.

La faible part des termes relevant de la composante générique pour décrire les paysages observés signifie que ces environnements parlent aux habitants enquêtés ; qu’ils leur donne un sens traduits par les autres composantes identifiées. La moindre part de la composante temporelle renvoie à une certaine permanence et/ou proximité des paysages.

Structure des représentations sociales des paysages de l’Ille-et-Vilaine selon la part de chaque composante dans la lecture des paysages par les habitants enquêtés, déterminée à partir des mots utilisés par les habitants enquêtés pour parler des paysages de l'Ille-et-Vilaine.

L’analyse des données de l’enquête par questionnaire (à laquelle nous vous renvoyons) montre que les manières d’habiter le territoire influencent ces représentations. Les répondants de pôles moyens, relativement moins mobiles, parlent plus que les autres de permanence du paysage, et ceux des communes multipolarisées, les plus mobiles, considèrent un instant particulier pour apprécier le paysage.

Des composantes spatiales distinguées

Si les habitants enquêtés parlent les paysages qui sont proches de chez eux, cinq variables communes à l’ensemble des paysages décrits se distinguent à l’échelle du département :

  • La géomorphologie : le relief (côte, plateau, vallée, pentes, monts) et la nature du sol (sol pauvre, sol riche, rocheux, humide)
  • L’empreinte de l’eau (littoral maritime, canal, rivière)
  • La présence de l’arbre (bocage, forêt)
  • Le patrimoine bâti ancien (châteaux, manoirs, maisons en pierre et/ou en terre) et la morphologie des villes et bourgs anciens.

« Le bocage d’Ille-et-Vilaine », « la Vallée de La Vilaine », « canal d’Ille-et-Rance » et « exploitation agricole d’aujourd’hui » sont les quatre paysages qui sont les plus souvent retenus comme représentant le mieux le paysage de l’Ille-et-Vilaine.

Les paysages les plus souvent retenus comme représentant le mieux les paysages de l’Ille-et-Vilaine parmi les 16 photos de la planche du questionnaire « Regards d’habitants sur les paysages de l’Ille-et-Vilaine »

Ainsi, le paysage de l’Ille-et-Vilaine apparaît comme une composition dans un vaste horizon mêlant cultures, bocages et canaux. Ce paysage agricole relève d’un certain équilibre ; il offre une sensation de sérénité, accentuée par la présence de l’eau.

« Bout de littoral préservé » n’apparaît qu’en cinquième position dans ce classement, alors qu’il est le paysage préféré parmi les paysages proposés. Ce classement illustre également l’écart entre le paysage de l’Ille-et-Vilaine tel qu’il est perçu par ses habitants et le paysage emblématique, reconnu, par les représentations culturelles et la communication touristique.

Fig. : « Bout de littoral préservé » dans la planche des 16 photographies de paysages de l’Ille-et-Vilaine du questionnaire « Regards d’habitants sur les paysages de l’Ille-et-Vilaine »

Ce paysage révèle peu la composante identitaire des représentations sociales. Il relève plutôt des composantes affectives, puis pratiques, des paysages. Il renvoie à une culture locale patrimoniale, empreinte de quelque nostalgie. Notons que les éléments urbains modernes sont évincés dans la description de ces paysages.

Des distinctions selon les Pays

En fonction des valeurs qu’ils associent aux paysages, les personnes interrogées s’attachent à la proximité (physique et familière) des paysages qu’ils choisissent de décrire, plutôt qu’à leur caractère ordinaire ou extraordinaire. Bien que la représentativité statistique ne soit pas vérifiée (notamment du fait de la taille de l’échantillon des répondants), il est intéressant de noter quelques distinctions selon le Pays de résidence des habitants enquêtés.

Les habitants du Pays des Vallons de Vilaine retiennent « la Vallée de La Vilaine »  comme le paysage qui parle le mieux des paysages du département. Les habitants du Pays de Redon le choisissent autant que « le bocage d’Ille-et-Vilaine ».

Les habitants des deux Pays se distinguent également par le fait de parler aussi souvent du milieu fluvial que du milieu rural, et moins du milieu marin, pour décrire un paysage caractéristique. Plus que l’ensemble des Brétilliens enquêtés, ils considèrent que c’est au bord de l’eau ou dans des sites particuliers (espaces boisés, chemins, circuits) qu’ils profitent le plus de la nature.

Il est à noter que les habitants du Pays des Vallons-de-Vilaine évoquent plus souvent que les autres la composante appréciative pour parler des paysages.

Fig. : « la Vallée de La Vilaine » dans la planche des 16 photographies de paysages de l’Ille-et-Vilaine du questionnaire « Regards d’habitants sur les paysages de l’Ille-et-Vilaine »

Les habitants du Pays de Fougères choisissent plus souvent « le bocage d’Ille-et-Vilaine » et le paysage d’une « exploitation agricole d’aujourd’hui » comme parlant le mieux des paysages de l’Ille-et-Vilaine. « L’allée en forêt » est également plus souvent cité que par l’ensemble des habitants. Les espaces boisés et les chemins, circuits, ou voies sont plus souvent retenus pour parler de nature. Le paysage « les landes de Paimpont » est le moins retenu comme paysage de l’Ille-et-Vilaine. Les habitants retiennent plus qu’ailleurs la composante pratique pour parler des paysages. Ils parlent aussi plus souvent que la moyenne de leur commune de résidence en termes d’ambiance.

Fig. : « exploitation agricole d’aujourd’hui » dans la planche des 16 photographies de paysages de l’Ille-et-Vilaine du questionnaire « Regards d’habitants sur les paysages de l’Ille-et-Vilaine »

Les habitants du Pays de Brocéliande choisissent plus souvent « l’allée en forêt » et « les landes de Paimpont » comme paysage parlant le mieux des paysages de l’Ille-et-Vilaine (alors que ce dernier paysage figure au 2ème rang parmi les 16 photos qui représente le moins un paysage de l’Ille-et-Vilaine pour l’ensemble de la population interrogée). Ils retiennent plus souvent que les autres le milieu forestier comme paysage ou comme lieu de nature. Ils se distinguent aussi par la part plus importante disant fréquenter souvent le lieu où ils profitent le plus de la nature. Notons aussi qu’ils considèrent relativement moins souvent la fonctionnalité comme motif de leur lieu de résidence actuel.

Fig. : « allée en forêt » dans la planche des 16 photographies de paysages de l’Ille-et-Vilaine du questionnaire « Regards d’habitants sur les paysages de l’Ille-et-Vilaine »

Les habitants du Pays de Saint-Malo choisissent autant « la plage balnéaire » que « le bocage d’Ille-et-Vilaine » comme paysage représentatif de l’Ille-et-Vilaine. Ils considèrent peu « les landes de Paimpont » dans ce sens. Le milieu marin est le plus souvent choisi pour parler d’un paysage du département. La paysage du « bocage d’Ille-et-Vilaine » apparaît plus souvent que pour l’ensemble des Bretilliens enquêtés, comme celui où ils profitent le plus de la nature. Ces habitants considèrent plus souvent que la moyenne le paysage de l’Ille-et-Vilaine comme très diversifiés. La spatialité est plus souvent considérée comme un élément d’appréciation de leur commune aujourd’hui.

Fig. : « la plage balnéaire » dans la planche des 16 photographies de paysages de l’Ille-et-Vilaine du questionnaire « Regards d’habitants sur les paysages de l’Ille-et-Vilaine »

Les habitants du Pays de Rennes se distinguent par la part de ceux qui choisissent le « canal d’Ille-et-Rance » ou « Rennes un jour de marché » comme parlant le mieux de paysage de l’Ille-et-Vilaine. Ils retiennent moins souvent que la moyenne le paysage d’une « exploitation agricole d’aujourd’hui » comme préféré ; et plus souvent « Rennes un jour de marché ». Ils sont relativement plus nombreux à considérer que le paysage de l’Ille-et-Vilaine est plutôt peu diversifié. Ils retiennent plus souvent que les autres le bord de mer ou les parcs et espaces verts urbains comme lieu où ils profitent le plus de la nature. Ils fréquentent relativement moins souvent ces lieux de nature. Enfin, ils apprécient plus fréquemment la fonctionnalité et de l’activité de leur commune de résidence.

Fig. : « canal d’Ille-et-Rance » dans la planche des 16 photographies de paysages de l’Ille-et-Vilaine du questionnaire « Regards d’habitants sur les paysages de l’Ille-et-Vilaine »

 Les habitants du Pays de Vitré se distinguent par l’utilisation de termes génériques pour parler des paysages de l’Ille-et-Vilaine qu’ils choisissent. Ils apprécient aussi plus souvent leur commune de résidence actuelle à la fois pour son activité et pour son caractère rural.

Bien qu’il n’apparaisse pas de distinction significative selon leur pays de résidence des habitants, il est intéressant de noter que ceux-ci retiennent plus souvent des paysages de leurs propres territoires pour parler des paysages de l’Ille-et-Vilaine. Les particularités concernant le regard sur les paysages de nature et le cadre de vie distinguant les habitants des Pays de Rennes et ceux du Pays de Vitré semblent avoir trait aux manières d’habiter leur territoire. 

Le paysage agricole bocager

La présence de l’arbre caractérise le paysage vallonné du département. Les forêts ornent les massifs du département. Les boisements sont denses dans les fonds de vallée (végétation des bords de rivière) et sur les sommets (bois ou bosquets). Le bocage revêt un caractère particulier. Les élus rencontrés considèrent que le bocage constitue un « patrimoine commun » qui caractérise l’Ille-et-Vilaine. Quelques-uns soulignent, dans ce sens, à l’action conjointe des communautés de communes du département de reconstitution d’un maillage bocager dans le cadre du programme Breizh Bocage, mise en place à l’échelle régionale.

La valeur identitaire du bocage réside en premier lieu dans sa forme. Plusieurs élus notent les alignements d’arbres émondés, ou les chemins, en particulier les chemins creux, bordés d’arbres qui ferment le paysage, sont typiques de l’Ille-et-Vilaine.

« Des petites chemins creux, où on était enfermé quand on se déplaçait entre deux murs végétaux, on ne voyait rien du tout. Il y en a qui adorent ça, moi je n’aime pas. » Elu communautaire du Pays de Vitré

Certains distinguent le talus. Surélevé, celui-ci pousse les racines de l’arbre à aller chercher l’eau en profondeur, ce qui favorise la perméabilité du sol et limite l’étalement sur le champ cultivé.

« Historiquement ce qui faisait le paysage, c’est vraiment ce talus planté d’arbres dessus (…) Un talus planté n’a pas du tout les mêmes fonctions qu’une simple haie plantée ; par rapport à l’érosion, par rapport à la biodiversité, je pense même par rapport au paysage, parce qu’on arrive à mettre les arbres un peu plus en valeur, le fait qu’ils soient en hauteur, je pense qu’il y a une autre perception du paysage. » Elu communautaire du Pays de Saint-Malo

Le bocage renvoie aux prairies et à l’élevage bovin qui caractérise l’agriculture de l’Ille-et-Vilaine. Si le bocage est lié à l’activité agricole, ceux qui en parlent mettent plutôt en avant sa fonction écologique, et souvent l’associe à la nature. Le bocage constitue un abri pour les animaux d’élevage, mais aussi les petits animaux et insectes. Il offre aussi un caractère bucolique au paysage agricole du département.

« Vous avez des haies, des champs, et vous avez un paysage qui est assez, plus protecteur avec l’homme que peut être un paysage de La Beauce où on sent que c’est ni plus ni moins qu’une industrie à plat, une industrie du champ où on est dans une activité agricole intensive et un paysage envahi par les machines. Alors qu’ici, le paysage est fait par la main de l’homme, mais en même temps, l’homme s’y sent bien, il n’est pas intrus. » Elu communautaire du Pays de Rennes

Le maillage bocager caractérise le territoire départemental. Cependant, les acteurs interviewés reconnaissent que sa densité est inégale sur cet ensemble. Comme il s’aligne sur le découpage parcellaire, il est plus irrégulier et resserré dans les coteaux, et plus géométrique et lâche dans les plaines.

Ainsi, les élus distinguent les secteurs de Fougères et de Paimpont, ainsi que les hauteurs du secteur de Bécherel. Le maillage devient plus diffus en se rapprochant du centre du département et du bassin rennais jusqu’à parsemé en descendant vers le sud-est, au sud du Pays de Vitré. Le bocage est moins présent aussi sur le littoral où les cultures maraîchères prédominent et le sol salé ne convient pas aux essences locales.

« On trouve à l’ouest de la Bretagne donc des paysages plus vallonnés donc vers Fougères, le Nord est du département voire le secteur de Paimpont, où on a du relief, dès qu’on a du relief on a du courant plus rapide et on a donc un paysage différent aussi. (…) Le nord est qui se rapproche de ce qu’on retrouve, on va dire, dans l’ouest des Côtes d’Armor et le Finistère : donc le paysage plus vallonné avec pas mal d’herbes, des prairies de grandes cultures, etc. où le bocage est pas trop mal conservé encore. (…) Du quart sud-est c'est-à-dire la zone autour de Pipriac (…) Le relief, le relief permet plus l’agriculture intensive : on voit que des haies tombent chaque jour et des prairies disparaissent chaque jour au profit de cultures de maïs et tout ce qui va avec. » Acteur environnementaliste

Au-delà de ses valeurs écologiques et identitaires, plusieurs élus expliquent que le développement des cultures au détriment de l’élevage, et les prairies tournantes (alternativement en herbe et en culture) a réduit l’intérêt du maintien du bocage.

« Avant c’était le bois qui donnait la valeur de la ferme. Il était plus cher que le terrain. » Acteur environnementaliste « C’était la nature, on l’a détruite la nature pour retrouver des champs énormes pour faire du maïs et du blé. » Elu communautaire du Pays de Saint-Malo

Le bocage est un phénomène moderne. Il se densifie au lendemain de la Révolution Française alors que les biens de l’Eglise et des nobles immigrés sont vendus. Là apparaît le droit à égalité, permettant la partition des grandes métairies autrefois transmise en bloque à l’aîné dans le cadre du droit nobiliaire. Alors, le bocage devient un élément de cadastration. Le XIXème siècle constitue l’’âge d’or du bocage en Bretagne.

Les premiers ouvrages de remembrement datent de 1918, les premières lois sur le remembrement de 1941. Après la Libération, les Américains importent de nouveaux outils, notamment des tracteurs et bulldozers, qui se diffusent dans les campagnes et nécessitent rapidement une nouvelle agronomie. La destruction du bocage s’intensifie.

En Ille-et-Vilaine, la destruction du bocage s’accélère en Ille-et-Vilaine à partir des années 60, avec la restructuration et l’élargissement du parcellaire agricole pour une meilleure productivité. Même si cette politique a été progressivement accompagnée de mesures compensatrices, la plupart des élus rencontrés ont vécu les destructions massives de haies et en sont restés marqués. La déconsidération du bocage dans le droit à prime et la réduction de la valeur économique de son produit ont contribué à l’accélération de son vieillissement, par la quasi absence de plantations entre 1960 et 2000. Les replantations récentes ne compensent pas le creux générationnel ainsi engendré. Aussi, le bocage est vieux.

« Notre paysage ressemble à notre société ; on ne met pas les jeunes en lumière. » Acteur environnementaliste

Ainsi, la réduction du bocage se poursuit malgré les politiques visant à son maintien, mises en place au cours de cette dernière décennie. En effet, la plupart des acteurs reconnaissent aujourd’hui la qualité environnementale liée au bocage. Ils avancent son rôle écologique et paysager pour sa reconstruction. Aussi, les arguments agronomiques et écologiques sont repris par presque tous les acteurs interviewés, principalement énoncés à partir du programme Breizh Bocage.

« Le bocage sert à l’agriculture aussi quand même ; tout le monde a intérêt à avoir de l’eau de qualité, l’agriculteur en premier. L’érosion des terres, les abris pour les animaux, le bocage est un outil aussi pour l’agriculture. La préservation du bocage est indispensable pour le devenir de l’agriculture. Toute la biodiversité qui se loge dans le bocage, on en a besoin au quotidien. Après, il faut savoir où le placer de façon à allier agriculture et environnement paysager. » Elu communautaire du Pays de Fougères

Le lien du bocage à l’agriculture est mis en avant par tous les acteurs. Beaucoup parlent du rôle des agriculteurs, qui « façonnent le paysage de l’Ille-et-Vilaine ».

« Le bocage est mieux perçu, mieux conservé dans des zones laitières où les bêtes sont encore au champ que dans les zones de culture ou hors sol, où ils travaillent sur de la grande culture. On le voit ça, en traversant le paysage. Parce que le laitier va trouver un intérêt sur le bois et sur son outil de travail. Il va le conserver. » Acteur environnementaliste

Même si quelques-uns insistent sur l’utilisation d’essences locales, ces acteurs évoquent peu la composition du bocage. Un acteur environnementaliste explique l’importance de la variété des essences (merisier, sorbier des oiseaux, sureau, hêtre, merisier, chêne, marronnier, …), en termes biologiques, écologiques, économiques et de paysage. Il décrit la ressource que constituait jadis du bocage. L’émonde des feuillus tous les 9 ans offraient un bois robuste utilisés pour les poutres des charpentes et le bois d’œuvre. Les fruits des bois du bas-étage (constitué de sureau, d’aubépine, etc.) étaient cueillis. Les meilleures graines germaient naturellement et les arbres étaient taillés pour en organiser la pousse. Il observe l’apparition d’un néo-bocage, qu’il qualifie d’esthétique : où la variété des couleurs de feuillage prime et la taille en émonde est exclue.

Le paysage agricole bocager caractérise le paysage de l’Ille-et-Vilaine. Aussi, la destruction et le vieillissement du bocage fragilisent la qualité environnementale, tant d’un point de vue écologique que paysager.

Des lieux de paysage repérés de dimension départementale

Au-delà de la caractérisation des paysages de l’Ille-et-Vilaine, des cadres, objets et compositions spatiales identifiés, des lieux de paysages de dimension départementale sont repérés par les habitants interrogés. Ceux-ci correspondent aux paysages qui ressortent de l’analyse des représentations culturelles.

Ces entités paysagères sont :

  • le Littoral
  • la Baie du Mont Saint-Michel
  • le Massif de Paimpont
  • le Canal d’Ille-et-Rance et la Vallée de la Vilaine
  • les Châteaux des Marches de Bretagne
  • le Bassin de Rennes

(Les noms propres ici listés sont ceux les plus souvent attribués à ces entités par les habitants enquêtés.)

Ces lieux sont aussi ceux qui ressortent de la communication touristique pour le territoire de Haute Bretagne Ille-et-Vilaine.

« Ce portrait identitaire (note) nous a quand même rappelé que nous étions un petit concentré de Bretagne avec des différences comme la douceur, la richesse des couleurs, le côté concentré aussi avec une côte relativement découpée, un peu accidentée et pour autant la baie du Mont Saint Michel tout en douceur, le côté construit de la nature, avec les citadelles des Marches de Bretagne, avec aussi ce qu’il y a de très intéressant, de très particulier, c’est le canal d’Ille et Rance tous ces ouvrages, les écluses, le côté spectaculaire des Onze écluses, ça, ça fait partie des spécificités et puis aussi cette forêt de Brocéliande extraordinaire qui peut être fait en sorte… qui agit peut-être sur la personnalité des habitants avec aussi… le goût du légendaire, du mystère, du mystique. » Acteur économique

Ces entités paysagères sont néanmoins considérés comme emblématique du littoral ou des terres de la région Bretagne, plus que propre au département. La plupart des habitants et les acteurs rencontrés décrivent peu ces lieux qu’ils considèrent connus et reconnus, tant du fait de leurs représentations culturelles que de leur fréquentation touristique. Ce sont généralement les élus des territoires sur lesquels ils se trouvent qui s’y attardent. La côte Brétillienne constitue une exception ; la forêt de Brocéliande aussi, mais dans une moindre mesure.

Ces entités paysagères ont en commun l’importance de leurs représentations culturelles et de leur fréquentation touristique à l’échelle du département. Leur caractère extraordinaire apparaît dans la description de l’équilibre exceptionnel perçu entre les éléments de nature et de culture qui les composent.

Carte de synthèse des paysages perçus par les Bretilliens

A partir de l’ensemble des éléments de l’analyse sociologique présentée dans les articles précédents du présent chapitre « Regards d’habitants et représentations sociales des paysages de l’Ille-et-Vilaine », la carte suivante propose une lecture cartographique de la composition spatiale du paysage de l’Ille-et-Vilaine au vu des lieux de paysage repérés de dimension départementale, de l’intensité paysagère et des vecteurs de paysages.

Les lieux de paysage repérés de dimension départementale :

  • Le Littoral
  • La Baie du Mont Saint-Michel
  • Le Massif de Paimpont
  • le Bassin de Rennes
  • la Vallée de la Vilaine / le Canal d’Ille-et-Rance

L’intensité paysagère perçue :

  • L’intensité paysagère est forte pour :
  • Le trait de côte
  • Les bois, les forêts
  • Les abords des canaux et rivières (pas les ruisseaux dont le paysage n’est pas lu)
  • Les hameaux

Elle est graduée de faible à forte pour : 

  • les agglomérations (quelque soit la taille de la commune) : faible pour la périphérie et forte pour le centre
  • le relief : faible s’il est peu contrasté (plat) et forte s’il est fortement contrasté (très plissé)
  • les parcelles agricoles faible s’il s’agit de grandes cultures et forte lorsqu’il s’agit de prairies permanentes

Les vecteurs de paysages :

  • Les bois et forêts
  • Les milieux repérés de type Espaces Naturels Sensibles
  • Les châteaux et autres patrimoines bâtis accueillant du public (le reste du patrimoine bâti est considéré dans la graduation de l’intensité paysagère)
  • Les équipements de loisirs de plein-air (plan d’eau, base de loisirs, …)
  • Les circuits touristiques (repéré sur la carte départemental) et PDIPR, Les voies de communication (routes, voies ferrées, canaux)

Care schématisée des lieux de paysages repérés de dimension départementale par ses habitants, intensité paysagère et vecteurs de paysage sur l'ensemble du territoire départemental.