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La ressource locale

Le patrimoine hérité a d’autant plus de valeur identitaire pour le département et ses territoires qu’il est fondé sur la ressource locale en matériaux de construction. Cette ressource est importante et variée : grès, schiste, granite, bois, argile et chaux sont intimement liés au paysage et lui donnent couleur et lumière.

Mur de schiste gréseux sur socle rocheux affleurant à Montreuil-le-Gast, et mur d’enceinte du château de Boutavent sur socle de schiste pourpre - D’un affleurement rocheux à un mur, il n’y a que l’épaisseur d’un joint pour sceller la construction et mêler l’architecture locale à son socle naturel.

Tirer profit de la ressource locale

Jusqu’au début du XXe siècle, la production des constructions a été attachée à une économie de moyens limitée. L’auto-construction communautaire était souvent la règle, notamment pour les nombreux bâtiments ordinaires. La mise en œuvre d’ouvrages singuliers, comme les chaînages, les piédroits, les linteaux et arcs de décharge, pouvait nécessiter l’apport de compétences spécifiques. Les matériaux provenaient de carrières locales pour les pierres, de trous pour les argiles. Ceux-ci devenaient ensuite les mares associées aux constructions. Si la pierre est utilisée depuis le néolithique, son usage est surtout associée à des programmes d’ampleurs (religieux, militaires, de génie-civil). Pour les habitations, il faudra attendre le XVIe siècle, avec notamment des constructions mixtes à soubassement en pierre et étage à pans de bois, ou pignon de pierre et façade à pans de bois.

Extrait de la carte des pédopaysages bretons - Source : http://www.sols-de-bretagne.fr/

Le bois dans la construction

Combourg, maison dite de la Templerie - Certaines de ces constructions du XVIe siècle, remaniées, demeurent comme ici à Combourg.
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La technique du pan de bois s’emploie essentiellement pour les habitations des environs de Rennes, ou les constructions annexes du nord-est du bassin rennais. La structure porteuse est constituée de solives de bois dont les intervalles sont comblés par des clayonnages (treillis de lattes et branchages en fuseaux) de châtaignier, jonc, roseau. L’ensemble est recouvert d'un enduit de terre plastique assez fine (madra).

Melesse - De très belles réalisations sont visibles à Melesse : ferme de la Boulais (gauche), du haut Chenay (droite)
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La pierre, ressource par excellence

Le granite

Le granite est une roche plutonique magmatique. Ses minéraux constitutifs sont principalement le quartz, les micas, les feldspaths. Il présente une cohésion et une homogénéité qui lui confèrent des propriétés mécaniques et chimiques adaptées à l’art de construire. Il peut se décliner en grand ou petit appareil, en blocs de murs ou en pavage, et donc répondre aux attendus mécaniques d’un matériau qui doit reporter les charges, bloquer, protéger du vent et de la pluie, assurer une certaine inertie thermique.

Saint-Etienne-en-Coglès - Débité en blocs de plus d’un mètre, le granite peut servir de linteau, comme à Saint-Etienne-en-Coglès, avec son granite blond et gris.
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Le granite se taille, se boucharde. Contrairement à une idée reçue, ce n’est pas le matériau le plus utilisé en Ille-et-Vilaine. Il peut s’utiliser seul comme sur le secteur de Fougères et du Coglais. Il complète le plus souvent des murs en schiste dont les propriétés sont moins adaptées à la production de pierre de taille pour les chaînages d'angles, les linteaux, les dallages (à partir du XIXe siècle). L’arène granitique (forme décomposée du granite) sert à la production de mortier et assure ainsi une adéquation entre la couleur des blocs et celle des joints. On notera que depuis quelques années, le granite utilisé dans l’aménagement des espaces publics ne provient plus de carrières locales, mais principalement des importations de Chine. L’Inde et le Brésil fournissent aussi une part importante de la pierre utilisée en aménagement.

Granite et schiste pourpre

Le grès

Les grès, comme les schistes sont des roches sédimentaires. Matériaux les plus utilisés dans les constructions, ils présentent une palette très diversifiée. Les grès peuvent être durs et cohérents et se décliner en grands et petits appareils. Les gisements de grès et schistes gris se trouvent dans l'est de la Bretagne entre Bain, Redon et Châteaubriant, mais aussi autour de Ploërmel. Une bande existe au nord du bassin de Rennes et s'étend vers l'ouest jusqu’aux environs de Quintin. Les schistes pourpres sont à l'origine d'une architecture vernaculaire particulièrement reconnaissable sur un territoire nommé justement le « Pays pourpre », qui recouvre notamment le pays de Brocéliande mais aussi le secteur de Pont-Péan. Alors que les schistes se présentent souvent en petits appareils, le grès, le granite ou le bois servaient pour les encadrements, avant que la brique ne se généralise au XIXe siècle.

Nuances pourpres entre Iffendic et Monfort-sur-Meu - La ressource locale devient plus difficile à lire avec l’enduit…

Acigné - Comme ici à Acigné, sur quelques centaines de mètres carrés, la combinaison des grès, poudingues, granites et schistes peut donner à voir la large palette offerte par la ressource locale.

Nuances de schistes - Certains schistes vont présenter des tonalités surprenantes, notamment les schistes ardoisiers déclinant une palette variant du pourpre au vert, au gris ou bleu.

La couleur des centres bourgs

D’une place à l’autre, du Coglais au Clos Poulet ou au Pays de Brocéliande, l’organisation des places ou des rues diffère peu. Il y a toutefois une variation notable entre les bourgs aux façades enduites et celles laissant apparaître les matériaux d’origine qui dès lors ancrent le bourg dans son territoire.

Iffendic, Romillé, Saint-Etienne-en-Coglès - Les bourgs dans lesquels la pierre domine et est apparente affirment un ancrage plus fort au socle naturel. L’utilisation des enduits ouvre la possibilité d’un travail sur les nuances et génère un effet moins monolithique des bourgs. Le rythme des percements y est plus perceptible.

Le calcaire

Surtout connu comme matériau d’extraction participant à la fabrication de la chaux, le calcaire, dans de rares endroits, est aussi utilisé, en ressource locale, comme matériau de construction, comme dans le secteur de Chartres-de-Bretagne. Pour le reste, le calcaire des Pays de Loire sera plus utilisé en encadrement de baies et éléments de décoration, notamment dans les maisons bourgeoises, les manoirs et châteaux.

Acigné, maison bourgeoise - Le tuffeau est très sensible à la pollution et aux infiltrations. Les inclusions de métal (rambardes ci-dessus) lui sont souvent fatales et nécessitent des remplacements de pierres ou des reprises.

L’architecture de terre

L’architecture de terre en Ille-et-Vilaine s’est développée sur deux sites. Le principal couvre l’ouest du bassin Rennais. Il coïncide avec des territoires de ressources lithiques composées de schistes ou grès, notamment le Pays Pourpré. L’argile est issue de la décomposition souterraine du schiste. La terre a pu être utilisée en mobilisant les techniques de la bauge, du pisé, du comblement des murs à pans de bois. Cuite, elle permettra de produire des tuiles. Le mélange d’argile mouillée, extraite sur place, avec du sable et du gravier forme une pâte glaiseuse. Son association à des fibres végétales puis son piétinement produit la bauge, qui est alors empilée par couches successives, sans coffrage, sur un soubassement en pierre. Les murs sont ensuite couverts d’un enduit à base de chaux ou de ciment. L’argile récupérée permet de réaliser un sol en terre battue. Les encadrements des ouvertures sont traités avec du bois, voire de la pierre. Le pisé est obtenu par le mélange de terre placé dans un coffrage de bois et compacté. On obtient ainsi des parois régulières et plus denses que la bauge. Les parements gardent la trace du montage horizontal. C'est une technique que l'on retrouve dans le Marais de Dol avec l’utilisation de la tangue (ancienne vase marine blanchâtre) extraite du sol de marais et des polders de la baie du Mont-Saint-Michel. L’emploi de la terre dans la construction est assez étonnant, car il concerne aussi bien les bâtiments agricoles les plus modestes, comme les porcheries, que les édifices les plus représentatifs, comme la mairie de Pacé, où le matériau est utilisé en 1838.

Aire d’utilisation de la terre dans les architectures - In : Marc Petitjean, {Constructions en terre en Ille-et-Vilaine}, (Habitat et paysages d’Ille-et-Vilaine), Apogée, 1995.

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Meillac

Ancien presbytère de Cintré et mairie de Vignoc
Ancien presbytère de Cintré :Terre sur solin de schiste pourpre
Encadrement de baies en planche de bois, linteau en bois
Mairie de Vignoc :Le ton chaud des enduits à pierres vues, ravive la pierre grise et fait flamboyer les oxydations.

La terre battue

Il reste encore, comme à Boisgervilly, quelques fermes isolées au sol de terre battue. Celle-ci sera remplacée dans les années 1960 par des dalles béton. L’aire de la construction était enduite d’un mélange de terre argileuse, piétiné et damé. Ce sol devait présenter une certaine qualité et nécessitait un savoir-faire particulier.

Les enduits

Les enduits en mortier de pisé ou de chaux grasse pour les murs extérieurs sont tardifs (XIXe siècle). A l'intérieur, un lait de chaux ou un enduit de terre fine (madra) a pu être utilisé.

Les tuiles

L’Ille et Vilaine a produit des tuiles plates, utilisées dès le XVe siècle à Rennes. Produites dans les secteurs de Paimpont ou de Bruz, elles ne résisteront pas à la généralisation de l’ardoise au XIXe siècle.

Briqueterie de Langon, carte postale ancienne et photo - Cet ensemble se compose de plusieurs hangars abritant le four et le séchoir, d’une cheminée d’usine et du logement patronal. Les toitures des hangars et la cantine jouxtant le logement patronal ont été réalisées en tuiles mécaniques.
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Ancien moulin, puis briqueterie d’Apigné - Reconstruit au cours du XIXe siècle, l’ancien moulin dispose de toitures en ardoises.
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L’ardoise

Exploités pour certains depuis le XVIe siècle, les gisements d’ardoises d’Ille-et-Vilaine furent supplantés au XIXe siècle par la technique des ardoises minces d’Angers-Trélazé. Moins fissibles, les ardoises locales ont trouvé avec l’ardoise des Pays de Loire, une concurrente redoutable.

Coësmes, carte postale ancienne, collection particulière - Diffusion GLAD, Le portail des patrimoines de Bretagne -> http://patrimoine.region-bretagne.fr

La lutte contre les incendies des toitures en chaumes, avait pourtant amené les autorités préfectorales à encourager l’utilisation de l’ardoise. La production d’ardoise d’Ille-et-Vilaine a permis de satisfaire une demande locale. Elle est à l’origine, comme à Coësmes, de beaux ensembles architecturaux, le bourg, la Cité ouvrière. Le village du Plessix, conserve la mémoire de ces puits d’extraction. Le passage d’une couverture de chaume à une couverture d’ardoise est souvent visible sur les pignons des constructions par la présence de pierre d’assise du chaume, dès lors sans usage ou par l’apport d’un matériau distinct, comme la terre pour assurer le rattrapage des pentes de toit. Associé à des façades blanches, le toit d’ardoise participe de l’archétype de la « maison bretonne ». Il ne s’agit en réalité que d’une illusion de caractères patrimoniaux ou paysagers : la maison dite bretonne n’est en réalité qu’un pavillon, isolé dans sa parcelle, en recul de l’espace public, ce qui n’a rien de breton. Le toit d’ardoises, imposé pendant des décennies de POS « copié-collé », a servi d’alibi à la banalisation pavillonnaire.

Amanlis, une entrée de village - Les toits d’ardoises ne permettent pas au lotissement d’échapper à la banalisation, causée de manière beaucoup plus déterminante par les modalités d’implantation.

Le paysage des carrières

L’activité d’extraction reste très présente en Ille-et-Vilaine, qu’il s’agisse de schiste, de grès ou de granite. Ces sites d’extraction ont deux vies. La vie de l’exploitation et les béances qu’elle produit.

Carrière Men Arvor, secteur de Redon

Les sites d’exploitation ont été très nombreux en Ille-et-Vilaine, pour la construction locale dans un premier temps et pour l’exportation ensuite. Mangés par les genêts, recouverts par la végétation, ils sont souvent peu visibles lorsqu’il s’agit, comme ci-dessus, de front de taille. L’extraction de sables ou de graviers, les carrières à ciel ouvert, proposent des paysages tout autres, à l’issue de leur exploitation. Les étangs d’Apigné en sont l’expression la plus surprenante. Associés à la Vilaine et au patrimoine architectural de la batellerie ou de la minoterie, ces étangs ont désormais une valeur d’espaces naturels majeurs. A l’image de Bruz, ces anciennes carrières, en eau désormais, sont des sites très prisés d’implantation résidentielle.

Les étangs d’Apigné, photos aériennes - Géoportail -> http://www.geoportail.gouv.fr/